mardi, 30 septembre 2008
Témoignage suite au Motu Proprio du pape Benoît XVI
« Mieux vivre ce si grand sacrement »
En réponse à la demande de paroissiens suite au Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, je célèbre comme curé de paroisse la messe selon sa forme extraordinaire chaque mardi depuis le début de l'année liturgique, ayant appris à le faire pour l'occasion.
Prêtre diocésain, je célèbre habituellement la messe selon sa forme ordinaire depuis 20 ans. En réponse à la demande de paroissiens suite au Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, je célèbre comme curé de paroisse la messe selon sa forme extraordinaire chaque mardi depuis le début de l'année liturgique, ayant appris à le faire pour l'occasion.
Après quelques mois de modeste réponse à ce document du Magistère, je puis rendre ce témoignage - pour ce qui est de la célébration de la messe - en quelques mots qui mériteraient d'être plus amplement développés :
• La célébration du Sacrifice de la Messe sous ses deux formes au sein de la vie paroissiale a permis une plus grande unité des fidèles.
D'une part cela permet à ceux qui vont habituellement dans des églises où est célébrée la messe selon la forme extraordinaire de renouer un lien avec leur paroisse et d'y trouver toute leur place.
D'autre part, cela a fait découvrir ou redécouvrir à d'autres ce qu'est vraiment ce rite dit jusqu'alors « messe de saint Pie V » et classé souvent comme dépassé voir incongru !... Un trésor un peu vite mis au grenier...
• Cette unité visible à travers un même prêtre célébrant avec les deux formes a eu des effets concrets de croissance dans la Charité et la bienveillance entre fidèles, même si certains ont eu et ont encore du mal à accueillir l'une ou l'autre forme selon celle qu'ils pratiquent habituellement. Certaines personnes âgées ont retrouvé la fraîcheur d'âme de leur jeunesse, des plus jeunes ont progressé dans leur rencontre avec le Seigneur portés par une forme liturgique qu'ils découvraient.
• Pour ma part, je rends grâce à Dieu de pouvoir célébrer sous ces deux formes l'unique rite romain.
Cela m'aide en effet à célébrer la forme ordinaire en puisant dans ses racines liturgiques. Les gestes, prières, symboles prennent plus de valeur et provoquent plus d'attention lors de leur usage du fait que certains sont plus développés sous la forme extraordinaire. Nous avons bien un même rite célébré sous deux formes, chacune ayant ses richesses.
Cela me montre également la justesse de ce que les Pères du Concile avaient souhaité dans la constitution sur la liturgie (par exemple un lectionnaire avec une plus grande abondance de textes de la Sainte Écriture) mais aussi combien une certaine interprétation de la réforme
liturgique a conduit dans certains cas à une véritable rupture voire dénaturation du rite.
Sans parler des abus liturgiques mentionnés dans les documents du Saint-Siège, je trouve pour ma part fort regrettable que la messe sous la forme ordinaire célébrée « ad Orientem », en langue latine soit si peu fréquente. L'abandon de fait d'un bon nombre d'éléments liturgiques alors que ce n'était pas requis ou tout au moins obligatoire est criant. Je vois dans cette possibilité de célébration sous ces deux formes une grâce pour que ces éléments retrouvent naturellement et surnaturellement (!) « droit de cité » dans nos vies paroissiales.
Espérons donc que l'on arrive à cet enrichissement mutuel et que cela permette à tous de mieux vivre ce si grand Sacrement.
P. Bruno Bonnet
Curé de Saint-Nom-la-Bretèche (78)
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lundi, 29 septembre 2008
Colloque sur le Motu Proprio
Ce colloque sur l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum en France a réuni un peu plus de quatre-cents personne au Palais des Congrès de Versailles. Deux tables rondes se sont suivies. Les interventions étaient entrecoupées par les témoignages de responsables de groupes de fidèles dans les cadres paroissiaux. Je me permets de vous proposer les quelques notes que j'ai prises rapidement, sans en faire de commentaire :
Les responsables ont pris la parole, insistant sur l’indépendance de la session par rapport aux communautés religieuses.
Le Père Olivier Leborgne, vicaire général du diocèse de Versailles, a manifesté « l’intérêt » de son évêque absent, s’excusant dans le même temps de ne pouvoir rester plus longtemps. Il a insisté sur le fait que son diocèse avait été généreux bien avant la promulgation du Motu Proprio en permettant l’usage des anciens livres en trois endroits. Il a ensuite cité les nouvelles implantations comme Rolleboise, n’hésitant pas à parler de la demande d’un groupe de fidèles de la FSSPX souhaitant « revenir dans l’Église »… Au total, ce sont, d’après lui, quinze messes traditionnelles qui sont célébrées sous la houlette de Mgr Aumonier. Condamnant au passage « l’esprit mondain » et les « groupes de pression », il a proposé une lecture minimale du Motu Proprio pour donner une définition du « groupe stable ». Il a enfin légitimé le biritualisme des prêtres diocésains qu’il privilégie à l’arrivée de communautés dites traditionalistes.
Prenant la parole, Daniel Hamiche a transposé le cas de la messe traditionnelle aux règles commerciales, expliquant que, s’il n’y avait pas d’offre, il était difficile d’avoir une demande. Il a même résumé en parlant d’inexistence de l’offre en bien des endroits. Encore faut-il proposer cette messe aux fidèles, expliquait-il. Abordant le cas de sa chapelle du XIVe arrondissement, il a été assez explicite en manifestant son impression d’avoir été relégué et en baptisant cette chapelle Saint-Paul de « Saint-Paul hors les Murs », un lieu de culte desservi par dix prêtres dont l’enthousiasme devait sans doute refléter celui de l’autorité archidiocésaine. Cette messe, supprimée pour quatorze dimanches, doit reprendre au mois d’octobre, en l’église Notre-Dame-du-Travail. Mais rien n’est prévu pour les solennités tombant en semaine et un dimanche sur quatre, la messe sera célébrée selon le NOM en grégorien. Reprenant à son compte la parabole du fils prodigue, il a exprimé son étonnement de voir là un père qui se contentait de tuer le veau gras aux trois quarts.
Le Père Aybram, curé doyen de Saint-Cloud, a commencé son exposé en relevant des éléments du discours du pape aux évêques qu’il a lui-même entendu à Lourdes. Il a cité : « L’indispensable pacification des esprits », « Nul n’est de trop dans l’Église » qui s’applique, selon lui, « à tous les baptisés catholiques » (sic). Il a dit faire fi des provocateurs d’où qu’ils viennent et a donné pour conseil de savoir garder de l’humour dans ces affaires d’application du Motu Proprio. Montrant assez habilement comment il défendait le VOM auprès de ses propres amis (silence de la liturgie, « dos au peuple »), il a immédiatement défendu le fait que les deux formes sont traditionnelles. Cette expression a été relevée par son confrère Schubert. Il a insisté sur le fait que la liturgie devait être facteur d’unité et ne pas être instrumentalisée.
Christophe Geffroy, de la Nef, a, quand à lui, pris le parti de commenter le Motu Proprio insistant sur la paix liturgique que le texte préconisait. Il a rappelé l’ostracisme qui a prévalu par le passé, en raison, entre autres, de ceux qui critiquaient le pape ou les évêques et il a développé sur l’herméneutique de la continuité. Il ne doit pas y avoir de « rupture » liturgique, selon lui, et si le cardinal Ratzinger a parlé jadis de « liturgie fabriquée », c’est que les choses étaient un peu compliquées dans l’esprit du pape. Il a invité à demander l’ancien missel en raison de la richesse qu’il pouvait apporter et surtout pas en raison de la déficience du nouveau. Il pense que désormais une nouvelle génération s’est levée, étrangère à ce qui seraient de simples « querelles » du passé. Il prône très explicitement un biritualisme actif où l’ignorance entre les deux messes doit être bannie. De leur côté, les évêques doivent comprendre que les jeunes traditionalistes sont une chance. Il plaçait alors la difficulté que représentait les traditionalistes au niveau de la difficulté à intégrer les charismatiques. Enfin, il a lancé un appel à maintenir le cadre des paroisses géographiques reprochant aux seuls traditionalistes de s’en affranchir à la faveur de paroisses d’élections. Il a terminé en lançant un appel urgent à l’évangélisation appuyé sur l’amour par chacun, avec ses spécificités.
L’abbé Schubert, curé de la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, a fait de la diversité le maître mot de son intervention. Il a pris à son compte l’incompréhension du cardinal Lustiger de concéder l’ancien missel car, selon lui, il n’y avait pas d’utilité à revenir à une ancienne liturgie si ce n’est pour plaire à une minorité. Selon lui, Mgr Aumonier, formé à cette école, est dans cette ligne d’esprit. Il a demandé à ne pas chercher les responsables de l’état de fait actuel en se disant attaché à la pacification des esprit. Proposant une lecture très minimale du discours de Benoît XVI aux évêques, il a défendu – sous les sifflements – la possibilité de refuser certaines demandes à l’appui d’arguments relatifs à l’organisation des paroisses.
Luc Perrin a pris la parole en lisant la préface de la réédition du Fortescue par le cardinal Castrillon Hoyos qui expliquait récemment que le Motu Proprio clarifiait de manière définitive le fait que les rites de 1962 n’avaient jamais été abrogés. Selon le cardinal, ces livres devaient même être proposés à tous les fidèles, et pas uniquement à quelques-uns les réclamant. Une réponse aux interrogations a été, selon lui, donnée à Lourdes par le pape qui appelait les évêques à répondre avec amour en appliquant le droit et en se montrant bien généreux. Luc Perrin n’a pas hésité à mentionner le cas d’Amiens où les fidèles disent encore la messe à l’extérieur. Certes, il l’a reconnu, le poids de l’histoire est important. Il a rappelé l’existence du texte de 1974 abolissant de fait l’ancien rite. Par conséquent, entre 1974 et 1984, il n’y avait ni le droit, ni l’amour que préconisaient aujourd’hui certains. Il en a déduit que la résistance des fidèles et de certains clercs s’en trouvait justifiée par l’existence d’un déni de droit. Il a terminé en présentant le cas exemplaire de l’archevêché de Chicago tenu par le cardinal George qui développe la Tradition dans son diocèse. Sa conclusion s’est déroulée en trois points. D’abord, que cesse l’enseignement du mépris et de l’histoire. Ensuite que l’on se souvienne des deux figures sacerdotales, Padre Pio et Don José Escriva qui, pourtant charitables, ont toujours refusé de célébrer le NOM. Enfin, il a mentionné avec intérêt l’interview du cardinal Barbarin préconisant un bilan de la réforme liturgique. Il fut largement ovationné.
Le temps a obligé à réduire la durée des interventions…
Le Père Lelong a présenté rapidement le dialogue qu’il avait entrepris au cours de sa vie avec les autres religions. Pour sa génération, Vatican II est apparu comme un événement important et bénéfique. Il a cependant confié avoir été choqué que, dans une Église où les discussions étaient accordées à tous, même aux sans-papiers, les traditionalistes étaient les seuls à ne pas bénéficier de cette faveur. Introduisant le rôle du GREC, il a critiqué le rôle des évêques qui ne font pas ce qui est en leur pouvoir pour favoriser la réconciliation entre tous les catholiques et il a lancé à Mgr Fellay un appel afin de réexaminer sa position pour que la FSSPX qui a beaucoup à apporter reprenne sa place dans l’Église catholique.
Le Père Gabriel Diaz Patri, de rite byzantin mais de nationalité argentine, a établi un rapide panorama de l’application du Motu Proprio à l’étranger. Il a abordé le cas de l’Espagne où l’ICRSP est présent, où une communauté contemplative près de Barcelone s’apprête à essaimer. Il a également cité les cas de l’Angleterre et de l’Allemagne dont les états religieux respectifs sont détaillés dans certaines revues dont il a cité les références. Il a parlé enfin de l’Italie en abordant le grand congrès romain de la semaine passée où Mgr Perl est intervenu en compagnie des PP. Bux et Lang. Pour lui, il y a un changement d’atmosphère dans l’Église, mais pas encore de climat. Il a aussi validé l’idée d’une complémentarité des deux rites et non une concurrence.
Philippe Maxence, de l’Homme Nouveau, a, en quelques mots, et à partir de son témoignage personnel, insisté sur certains points précis, sur la nécessité de saluer le texte pontifical qui permettait à des fidèles de retrouver ce missel, trésor de l’Église, sur le fait que l’ancienne messe devait redevenir le bien commun de tous les Chrétiens. Il a enfin tordu le coup à un certain nombre de clichés, les liens entre ce rite et l’extrême droite ou la bourgeoisie.
L’abbé Barthe a abordé le cas de la réforme de la réforme qui est, au fond, le grand chantier de Benoît XVI et dont le Motu Proprio n’est que l’étape actuelle. Selon lui, le NOM est facilement réformable tandis que le VOM est intrinsèquement réformant, voire réformateur. Il s’agit pour le pape de retrouver l’esprit même de la liturgie, ainsi que le préconisait l’encyclique Mediator Dei. Pour l'heure, c'est la concurrence entre les deux rites que le pape a mis en pratique.
Enfin, Marie-Alix Doutrebente a présenté le rôle du GREC, groupe de réconciliation entre catholiques, dont l’origine était fondée sur la possibilité de « faire revenir la FSSPX », avec le soutien de la nonciature. Elle a invité les traditionalistes à « sortir de leurs ghettos » pour une nécessaire réconciliation.
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mercredi, 24 septembre 2008
Question à l’Eglise, par Gérard Leclerc
Le succès de la visite de Benoît XVI à Paris et à Lourdes ne saurait être une parenthèse. Le dynamisme de l’Église de France qui s’est révélé pendant ces quatre jours constitue en lui-même une question. Pourquoi une telle éclosion de vie et de jeunesse, alors même que les constats et les perspectives les plus pessimistes nous accablent, agrémentés par les gloses qui insistent sur le décalage mortel du message ecclésial avec la culture contemporaine ? Une première réponse s’offre à nous à l’écoute du Pape. Ce n’est pas l’adhésion au siècle (selon les Écritures) que demandent nos contemporains mais un éclairage sur le sens de la vie. D’ailleurs la preuve est faite que là où on s’aligne sur les revendications dites modernes, le christianisme se délite et fait fuir ceux-là même qu’il était censé attirer.
Autre réflexion : la dépression dans laquelle le christianisme européen (et français au premier chef) a sombré, ne sera dépassée que lorsqu’il se sera soustrait à sa charge neurasthénique. Les quarante ans de Mai 68 ont permis de comprendre que le clergé de notre pays avait été la victime privilégiée d’une pathologie qui induit un processus où il finissait par ne plus s’aimer, au point de faire payer durement à tous, et aux jeunes en particulier, le ressentiment d’avoir épousé une vocation si aberrante selon les canons en vigueur. Comment la relève sacerdotale et religieuse aurait-elle pu s’affirmer, alors qu’il y avait si peu d’appels et que la réalité était elle-même si peu appelante ? Bien sûr, grâces soient rendues à tous les prêtres et à toutes les âmes consacrées qui ont su tenir au sein de cet hiver spirituel. Nous leur devons la survie de notre Église dans des conditions parfois héroïques. Il y a lieu de marquer désormais une rupture avec le désenchantement post-soixante-huitard. Nous n’avons plus à ressasser nos déconvenues, mais à ouvrir sans cesse de nouvelles voies. Cela suppose de l’audace apostolique, un investissement de l’intelligence pour une transmission de la foi selon ses plus hautes définitions, un engagement dans la cité en tournant le dos aux interdits de la laïcité négative, un combat pour la vie à partir d’une espérance qui en révèle la beauté et la grandeur, un dévouement qui transforme les cœurs par la contagion de la charité… L’heure est venue de tourner le dos à nos médiocres querelles pour évangéliser. C’est d’ailleurs désormais le vœu unanime dans notre Église dont l’unité est sans doute le plus beau cadeau de la visite du Saint-Père.
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jeudi, 17 juillet 2008
François d’Assise un homme de paix formé par la liturgie
1. François annonce le pardon d’Assise
La considération de l’importance de la liturgie dans la vie de François
peut aider à mieux comprendre son rapport avec l’Église […].
La prière et la méditation de textes antérieurs à lui, expressions
de la vie et de la sainteté de l’Église tout au long des siècles,
On ne peut pas ne pas reconnaître qu’en un certain sens François d’Assise, comparé à d’autres saints, a connu un sort enviable: déclaré en 1992 par le Time magazine l’un des hommes les plus représentatifs du second millénaire, étudié par des centres de recherche universitaires laïques et religieux, il a fait l’objet d’innombrables publications scientifiques, d’ouvrages de divulgation, différents films lui ont été consacrés et il a été reconnu comme une référence idéale par des personnes de cultures et de religions diverses. S’ajoute à tout cela le choix qu’a fait Jean Paul II d’Assise, la ville de saint François, pour la journée historique du 27 octobre 1986 qui a donné naissance à ce que l’on appelle l’”esprit d’Assise”, à savoir un mouvement interreligieux en faveur de la paix; le Souverain Pontife y est encore retourné les 9 et 10 janvier 1993 et, malgré les nombreuses réserves et perplexités qui se sont exprimées au sujet de l’opportunité de cette visite, le 24 janvier 2002, c’est-à-dire après les attentats terroristes du 11 septembre 2001.
Un saint François très en honneur donc, et même si le jour de sa fête, le 4 octobre, n’est pas devenu en Italie une fête nationale, son nom est de toute façon synonyme de dialogue interculturel et interreligieux. Tout le monde sait toutefois que le succès glisse facilement dans l’outrance et le saint d’Assise n’échappe pas à la règle.
Les études franciscaines ont passé au crible les sources concernant son expérience chrétienne et d’innombrables chercheurs continuent à approfondir l’étude de ces sources pour y découvrir le visage de ce saint, au-delà de toute image hagiographique ou de toute manipulation idéologique. On a approfondi sa formation culturelle et spirituelle dans laquelle on a reconnu les strates suivantes: la culture du fils du marchand, une idéologie chevaleresque qui faisait de lui idéologiquement un chevalier, la culture courtoise qui subsista en lui après sa conversion, l’élément évangélique et même la réminiscence des vies anciennes des Pères du déserti. Après ces innombrables études, qui ont commencé avec Paul Sabatier, il semble qu’il n’y ait désormais plus rien à approfondir au sujet du frère François d’Assise, le fils du marchand Pietro di Bernardone. Mais en fait l’image la plus répandue de saint François non seulement semble outrée mais elle donne parfois l’impression d’avoir été amputée de quelque chose d’important, quand elle n’est pas victime de quelque opération idéologique au service d’autres fins. Certainement, l’histoire de François d’Assise, comme celle de tous les hommes, restera en un certain sens un mystère. Ce qui n’empêche pas de continuer à l’approfondir grâce aussi aux connaissances acquisesjusqu’ici. C’est dans cette perspective que l’on est en train de reconnaître le rôle important, pour ne pas dire fondamental, de la liturgie dans la vie du saint.
Au début du XIIIe siècle existaient fondamentalement à Rome quatre types de liturgie: celle de la Curie romaine, qui résidait au Palais du Latran, celle de la basilique Saint-Jean toute proche, celle de la basilique Saint-Pierre et celle dite de l’Urbe c’est-à-dire de la ville de Rome. Innocent III, dans son programme de réforme, qui trouva sa meilleure expression au moment du Concile Latran IV de 1215, n’exclut pas la liturgie. L’un des fruits les plus prestigieux de la réforme de la liturgie fut le bréviaire. En rapprochant, intégrant, adaptant à la vie de la Curie romaine, dont les déplacements étaient fréquents, des textes qui étaient précédemment distribués dans des livres différents, Innocent III fournit un instrument maniable à ceux qui étaient souvent en voyage. Ce bréviaire, en raison précisément de sa commodité, fut aussi rapidement adopté par certains diocèses dont celui d’Assise. De la sorte, François et la communauté des Frères Mineurs eurent accès à un livre liturgique qui se révéla rapidement conforme à leurs exigences de personnes itinérantes qui vivaient en “étrangers et pèlerins”ii. Ainsi les Frères Mineurs adoptèrent-ils pour eux-mêmes la prière liturgique et spécifiquement celle de la Curie romaine, c’est-à-dire celle du Souverain Pontife.
Il n’était pas indifférent d’adopter tel ou tel livre liturgique. C’est ce qu’avait déjà compris le pape Grégoire VII qui redoutait toute disparité liturgique parce que, dans certains cas, celle-ci conduisait à une disparité non seulement juridictionnelle mais aussi doctrinale, autrement dit à l’hérésie. Adopter, par exemple, le bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III signifiait accueillir toute une tradition précédente; la disposition dans cet ouvrage des différentes fêtes, le choix de certaines lectures, l’assemblage de passages de la Bible pour former des antiennes, versets et répons, la présence d’innombrables lectures issues des Pères de l’Église ou des anciens martyrologes étaient fondamentalement le résultat de la réflexion ecclésiale et de l’expérience monastique de tout le millénaire précédent. Ainsi donc, en adoptant le bréviaire, François et la communauté des Frères Mineurs s’insérèrent dans une histoire qui les avait précédés et qui avait été transmise au long des siècles. Cela ne signifie pas qu’ils se sentirent prisonniers de cette tradition ou qu’ils agirent comme s’ils l’étaient: en effet, comme le note une source, François ne manqua pas d’affirmer sa particularité en repoussant certains modèles précédents.
Toujours est-il que, comme le montrent les innombrables réminiscences liturgiques présentes dans les écrits de François, les Frères Mineurs s’insérèrent, en accueillant la prière du bréviaire, dans la tradition spirituelle et théologique qui avait mûri au long des siècles dans l’Église. Ces réminiscences, que l’on appelle en langage technique cas d’”intertextualité et d’interdiscursivité” – c’est-à-dire des citations à proprement parler ou des renvois conceptuels – sont souvent la transmission de textes patristiques intériorisés par le saint. Si cela peut surprendre, surtout au regard d’une certaine historiographie qui a présenté François d’Assise comme le Saint du seul Évangile – presque une sorte de précurseur de la réforme protestante –, le fait que souvent la Bible et donc l’Évangile soient présents dans ses écrits par l’intermédiaire de la liturgie est encore plus riche de conséquences. Cela, naturellement, conduit à revoir certaines descriptions de l’expérience spirituelle de François, dans lesquelles le saint est représenté comme un homme qui a eu un rapport immédiat, sans médiation, avec l’Écriture. Ce qui apparaît, au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église. Et la liturgie est elle-même une explication de l’Écriture, autrement dit une exégèse: en effet, le seul fait qu’une lecture ait été attribuée à une fête plutôt qu’à une autre indique déjà la clef de lecture et donc de compréhension d’un passage déterminé. Ainsi, le fait d’avoir placé dans le Commun de la Vierge Marie la lecture du chapitre 11 d’Isaïe, dans lequel il est question du rameau qui sort de la souche de Jessé, est déjà, en soi, une perspective mariale donnée à ce passage-là. Perspective notablement renforcée si, ensuite, on remplace le mot virga, c’est-à-dire rameau, par virgo, c’est-à-dire Vierge, comme cela a été fait dans le bréviaire qui a appartenu à saint François d’Assise: «La Vierge sortira de la souche de Jessé, et de sa racine une fleur montera, sur lui se reposera l’esprit de Yahvé»iii.
DU BREVIARIUM SANCTI FRANCISCI
On trouve un témoignage de l’importance de la liturgie dans la communauté des Frères Mineurs et dans l’histoire de François d’Assise non seulement dans la Règle des Frères Mineurs confirmée par le pape Honorius III en 1223 mais surtout dans un manuscrit conservé parmi les reliques du protomonastère Sainte-Claire, près de la basilique du même nom, à Assise. Comme en témoigne un ajout autographe de frère Léon, l’un des compagnons et témoins du Saint, ce manuscrit fut utilisé par saint François lui-même. «Le bienheureux François procura ce bréviaire à frère Ange et à frère Léon, ses compagnons, car, au moment où il était en bonne santé, il voulait toujours dire l’Office, comme le comporte la Règle; et quand il fut malade, au contraire, comme il ne pouvait pas le réciter, il voulait l’écouter; et cela, il continua à le faire tant qu’il vécut»iv.
Le manuscrit, appelé Breviarium sancti Francisci, se compose essentiellement d’un bréviaire, du psautier et de l’évangéliaire; la première partie, la plus consistante, est constituée du bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III. L’ancienneté du texte, qui fait de lui un témoin privilégié de cette réforme et donc de l’histoire des livres liturgiques en général, est confirmée par la présence, surtout dans les solennités mariales ou de saints liés au ministère pontifical, comme Pierre, Paul et Grégoire le Grand, de lectures tirées des sermons du même Innocent III; ces lectures, après la mort de ce Pape en 1216, furent rendues facultatives par son successeur, Honorius III, et disparurent immédiatement du bréviairev. Le Bréviaire de saint François est le seul véritable bréviaire qui contienne l’intégralité de ces lectures. Ce manuscrit fut utilisé par saint François et il contribua certainement à former en lui une culture théologique, aussi rudimentaire fût-elle, qui lui permit d’exprimer sa spiritualité et sa pensée dans des écrits, dont trois sont encore en notre possession sous leur forme autographevi.
Il faut donc, étant donné le rôle qu’a joué la liturgie dans la formation culturelle et spirituelle de François, attribuer à celle-ci la place qui lui revient quand on cherche à comprendre le message du saint d’Assise. Ainsi, ce dont il faut tenir compte lorsque l’on veut approfondir un thème particulier de sa pensée, c’est surtout du contenu du manuscrit; le rôle que joue la Vierge Marie, par exemple, dans la pensée de saint François deviendra plus intelligible si on lit ses écrits en tenant compte de l’Office de la Bienheureuse Vierge et des quatre fêtes mariales contenues dans le bréviaire dont nous avons parlé, à savoir la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février; l’Annonciation, le 25 mars; l’Assomption et son octave, du 15 au 22 août; et la Naissance de Marie, le 8 septembre. Même si les deux premières fêtes, soit la Présentation au Temple et l’Annonciation, célèbrent deux mystères de la vie de Jésus-Christ, elles avaient déjà acquis depuis des siècles une forte connotation mariale. C’est si vrai que la première reçoit le nom dans le Breviarium de fête de la Purification de la Vierge Marievii.
Souvent la Bible et donc l’Évangile sont présents dans ses écrits
par l’intermédiaire de la liturgie […]. Ce qui apparaît,
au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture
à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église
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Note
1 J. Dalarun, Francesco: un passaggio. Donna e donne negli scritti e nelle leggende di Francesco d’Assisi, postface de G. Miccoli, Rome 1994.
2 P. Messa, Un testimone dell’evoluzione liturgica della fraternitas francescana primitiva: il Breviarium sancti Francisci, in Revirescunt Chartae, codices documenta textus: miscellanea in honorem fr. Caesaris Cenci, OFM, ed. A. Cacciotti-P. Sella, vol. I, Romae 2002, p. 5-141.
3 P. Messa, L’Officium mortuorum e l’Officium beate Marie virginis dans le Breviarium sancti Francisci, in Franciscana. Bollettino della Società internazionale di studi francescani, 4 (2002), p. 111-149.
4 Frère Léon d’Assise, Nota al Breviario di san Francesco, in Fonti Francescane, édité par Ernesto Caroli, Padoue 2004, p. 2696.
5 P. Messa, I sermoni di Innocenzo III nel Breviarium sancti Francisci, in Archivum Franciscanum Historicum, 95 (2002), p. 249-265.
6 P. Messa, Le fonti patristiche negli scritti di Francesco di Assisi, préface de G. Miccoli, Assise 1999.
7 P. Messa, Le feste mariane nel Breviarium sancti Francisci, in L’Immacolata Concezione. Il contributo dei francescani. Actes du Congrès de mariologie franciscaine du 150e anniversaire de la proclamation dogmatique (Sainte-Marie-des-Anges, Assise, 4-8 décembre 2003), Cité du Vatican 2005.
8 Francesco d’Assisi, Testamento, 29-33, in Fonti Francescane, op. cit., pp. 125-126.
Source
Illustrations
1 - 2 Images du retable Le pardon d’Assise du Prêtre Ilario da Viterbo, 1393,
conservée dans l’abside de la Portioncule, Basilique Sainte-Marie-des-Angesß, Assise
3. Zurbaran
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dimanche, 06 avril 2008
Dimanche du Bon Pasteur
La terre est remplie de la Miséricorde du Seigneur, alléluia ;
Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur ; c’est aux cœurs droits qu’Il sied de chanter ses louanges. Gloire au Père.
Le bon pasteur doit d’abord connaître ses brebis et se faire connaître d’elles, créer les relations qui établissent l’accord et la mutuelle pénétration ; la connaissance qui en procède est un amour, et elle n’est une connaissance que parce qu’elle est un amour. La voix qu’entendent les brebis quand le berger les appelle nommément est une voix qui part du cœur et qui va au cœur ; c’est pourquoi elles répondent. Elles savent que celui qui les appelle veut leur bien ; elles le savent parce qu’il a l’habitude de le leur procurer ; elles ont l’expérience de sa bonté pour elles ; et le son qu’elles entendent, quand sa voix retentit, est lié à cette expérience. Intérieurement, elles voient une porte qui s’ouvre, une silhouette humaine qui se dresse devant elles, le mouvement calme, lent, adapté à leur pas, qui les conduit et qui s’arrête dans les bons pâturages, l’herbe épaisse, tendre, qui leur offre sa substance vivifiante, tout leur corps refait, leurs forces reconstituées, se développant, leur sécurité assurée, et le soir le même mouvement, la même ombre, la même porte et le repos dans la bergerie.
Elles savent que s’il les approche c’est pour les caresser ou les panser, que sa vie leur appartient, qu’il ne veut que le déploiement de la leur : « Pour qu’elles aient la vie, et une vie abondante. »
Le bon pasteur, dans ces cas ordinaires, les garde la nuit du voleur en les ramenant à la bergerie close et gardée, dont il est la porte, dont le portier le représente et tient la place, - et le jour du loup en se tenant en avant, en les tenant groupées et en les défendant activement s’il y a lieu.
« Ego sum pastor bonus. » Jésus est le bon Pasteur ; il ne s’oppose pas seulement aux ennemis qui veulent tuer et perdre les brebis ; il les garde des pasteurs qui ne sont que mercenaires et qui ne songent qu’à eux-mêmes. Pour ceux-là, l’intérêt des brebis ne compte pas, mais le leur. Ils les conduisent volontiers aux pâturages ; il les gardent s’il n’y a pas de danger ; mais ils ne s’exposent pas pour elles. Ils les connaissent, mais ils ne les aiment pas ; ils ne sont pas pasteurs ; ils ne sont pas bons pasteurs.
Le trait distinctif qui marque le bon pasteur, qui le fait reconnaître entre tous, c’est l’amour jusqu’au don de soi : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. »
Ce trait dérive de la connaissance très spéciale qui le caractérise, et il la produit. Il connaît parce qu’il aime, dans la mesure où il aime, et il aime parce qu’il connaît. L’esprit qui l’anime est un amour qui donne à la connaissance de pénétrer son objet, et à l’objet de reproduire cet amour et cette connaissance. C’est pourquoi le bon pasteur marche en tête du troupeau. Il se montre et il indique le chemin en le faisant le premier. Les brebis n’ont qu’à suivre, à faire ce qu’il fait, à se rendre où il veut.
Le rapport est donc un rapport mutuel : « Cognosco meas, et cognoscunt me meae. Je les connais et elles me connaissent. » Il y a deux termes : « me », « meae », mais il n’y a qu’une seule connaissance qui part du pasteur et va aux brebis, qui se communique de celui-là à celles-ci, qui les anime du même mouvement, qui fait que le troupeau et le pasteur ne font qu’un.
Cette unité ne fait elle-même que reproduire une unité plus vaste, dans laquelle elle s’insère comme pour la prolonger et compléter. C’est l’unité que Jésus chante et prêche et révèle en tous ses entretiens, qui en fait la trame, et qui est le fond de son Evangile : c’est sa propre unité avec son Père.
Les rapports entre le bon pasteur et ses brebis sont constitués sur ce modèle. Le bon pasteur connaît ses brebis comme son Père le connaît, et ses brebis doivent le connaître comme il connaît son Père : c’est donc une connaissance qui communique une forme et qui assimile. Les brebis doivent être l’expression du Verbe, comme le Verbe exprime le Père. Le Verbe doit se prononcer en elles, et elles doivent répéter ce mot, réfléchir ses traits.
Le Verbe incarné donne sa vie pour elles, parce qu’il voit le Père donner lui-même sa vie qui est son Fils… et les brebis à leur tour doivent se donner à lui comme il se donne à elles : Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme mon Père me connaît et que je connais mon Père, et je donne ma vie pour mes brebis. »
Source
Salve Regina
Illustration
Décor de mosaïque du mausolée de Galla Placidia (le Bon Pasteur)
Ravenne
Ecole du Louvre: site iconographique
00:00 Publié dans Réflexion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, blabla de filles, actualité, mode, amour | | Imprimer | | del.icio.us | Digg | Facebook | | |