vendredi, 29 mai 2009
La vie de l'Eglise dans les Lettres de saint Paul
"n'éteignez pas l'Esprit" (1 Th 5, 19)
L'histoire nous montre que l'on parvient normalement à Jésus à travers l'Eglise! Dans un certain sens, cela se produisit, disions-nous, également pour Paul, qui rencontra l'Eglise avant de rencontrer Jésus. Dans son cas, ce contact fut cependant négatif, il ne provoqua pas l'adhésion, mais une violente répulsion. Pour Paul, l'adhésion à l'Eglise fut due à l'intervention directe du Christ, qui, se révélant à lui sur le chemin de Damas, s'identifia à l'Eglise et lui fit comprendre que persécuter l'Eglise signifiait Le persécuter, Lui, le Seigneur (cf. Ac 9, 5). En effet, le Ressuscité dit à Paul, le persécuteur de l'Eglise: "Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu?" (Ac 9, 4). En persécutant l'Eglise, il persécutait le Christ. Paul se convertit alors, dans le même temps, au Christ et à l'Eglise. On comprend donc pourquoi l'Eglise a été ensuite aussi présente dans les pensées, dans le coeur et dans l'activité de Paul. Elle le fut tout d'abord dans la mesure où il fonda littéralement de nombreuses Eglises dans les diverses villes où il se rendit en tant qu'évangélisateur. Lorsqu'il parle de sa "sollicitude pour toutes les Eglises" (2 Co 11, 28), il pense aux diverses communautés chrétiennes créées tour à tour en Galatie, en Ionie, en Macédoine et en Achaïe. Certaines de ses Eglises furent également source de préoccupations et de déceptions, comme ce fut le cas, par exemple, dans les Eglises de la Galatie, qu'il vit "passer à un autre Evangile" (Ga 1, 6), ce à quoi il s'opposa avec une vive détermination. Il se sentait pourtant lié aux communautés qu'il avait fondées d'une manière non pas froide et bureaucratique, mais intense et passionnée. Ain-si, par exemple, il définit les Philippiens comme "mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous ma joie et ma récompense" (4, 1). D'autres fois, il compare les diverses Communautés à une lettre de recommandation unique en son genre: "C'est vous-mêmes qui êtes ce document écrit dans nos coeurs, et que tous les hommes peuvent lire et connaître" (2 Co 3, 2). D'autres fois encore, il démontre à leur égard un véritable sentiment non seulement de paternité, mais même de maternité, comme lorsqu'il s'adresse à ses destinataires en les interpellant comme "mes petits enfants, vous que j'enfante à nouveau dans la douleur jusqu'à ce que le Christ ait pris forme chez vous" (Ga 4, 19; cf. 1 Co 4, 14-15; 1 Th 2, 7-8).
Dans ses Lettres, Paul nous illustre également sa doctrine sur l'Eglise en tant que telle. Ainsi, on connaît bien sa définition originale de l'Eglise comme "corps du Christ", que nous ne trouvons pas chez d'autres auteurs chrétiens du I siècle (cf. 1 Co 12, 27; Ep 4, 12; 5, 30; Col 1, 24). Nous trouvons la racine la plus profonde de cette surprenante désignation de l'Eglise dans le Sacrement du corps du Christ. Saint Paul dit: "Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps" (1 Co 10, 17). Dans l'Eucharistie elle-même, le Christ nous donne son Corps et nous fait devenir son Corps. C'est dans ce sens que saint Paul dit aux Galates: "Vous tous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28). A travers tout cela, Paul nous fait comprendre qu'il n'existe pas seulement une appartenance de l'Eglise au Christ, mais également une certaine forme d'égalisation et d'identification de l'Eglise avec le Christ lui-même. C'est donc de là que dérive la grandeur et la noblesse de l'Eglise, c'est-à-dire de nous tous qui en faisons partie: du fait que nous soyons des membres du Christ, presque une extension de sa présence personnelle dans le monde. Et de là découle, naturellement, notre devoir de vivre réellement en conformité avec le Christ. C'est de là que dérivent également les exhortations de Paul à propos des divers charismes qui animent et structurent la communauté chrétienne. On peut tous les reconduire à une source unique, qui est l'Esprit du Père et du Fils, sachant bien que dans l'Eglise il n'y a personne qui en soit dépourvu, car, comme l'écrit l'Apôtre, "chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous" (1 Co 12, 7). Il est cependant important que tous les charismes coopèrent ensemble pour l'édification de la communauté et ne deviennent pas, en revanche, des motifs de déchirement. A ce propos, Paul se demande de manière rhétorique: "Le Christ est-il donc divisé?" (1 Co 1, 13). Il sait bien et nous enseigne qu'il est nécessaire de "garder l'unité dans l'Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a appelés à une seule espérance, de même il n'y a qu'un seul Corps et un seul Esprit" (Ep 4, 3-4).
Bien évidemment, souligner l'exigence de l'unité ne signifie pas soutenir que l'on doit uniformiser ou niveler la vie ecclésiale selon une unique façon d'agir. Ailleurs, Paul enseigne: "n'éteignez pas l'Esprit" (1 Th 5, 19), c'est-à-dire laisser généreusement place au dynamisme imprévisible des manifestations charismatiques de l'Esprit, qui est une source d'énergie et de vitalité toujours nouvelle. Mais s'il existe un critère auquel Paul tient beaucoup, c'est l'édification mutuelle: "Que tout cela serve à la construction" (1 Co 14, 26). Tout doit concourir à construire de manière ordonnée le tissu ecclésial, non seulement sans interruption, mais également sans fuites, ni déchirures. On trouve ensuite une lettre paulinienne qui va jusqu'à présenter l'Eglise comme l'épouse du Christ (cf. Ep 5, 21-33). Cela reprend une antique métaphore prophétique, qui faisait du peuple d'Israël l'épouse du Dieu de l'alliance (cf. Os 2, 4.21; Is 54, 5-8): cela pour dire à quel point les relations entre le Christ et son Eglise sont intimes, que ce soit dans le sens où celle-ci est l'objet du plus tendre amour de la part de son Seigneur, que dans le sens où l'amour doit être réciproque et, donc, que nous aussi, en tant que membres de l'Eglise, nous devons faire preuve d'une fidélité passionnée à Son égard.
En définitive, c'est donc un rapport de communion qui est en jeu: celui pour ainsi dire vertical entre Jésus Christ et nous tous, mais également celui horizontal, entre tous ceux qui se distinguent dans le monde par le fait qu'ils "invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ" (1 Co 1, 2). Telle est notre définition: nous faisons partie de ceux qui invoquent le nom du Seigneur Jésus Christ. On comprend donc bien à quel point il est souhaitable que se réalise ce que Paul lui-même souhaitait en écrivant aux Corinthiens: "Si au contraire tous prophétisent, et qu'il arrive un incroyant ou un homme qui n'y connaît rien, il se sent dénoncé par tous, jugé par tous, ses pensées secrètes sont mises au grand jour: il tombera la face contre terre pour adorer Dieu, en proclamant: "C'est vrai que Dieu est parmi vous!"" (1 Co 14, 24-25). C'est ainsi que devraient être nos rencontres liturgiques. Un non-chrétien qui entre dans l'une de nos assemblées devrait pouvoir dire à la fin: "Dieu est véritablement avec vous". Prions le Seigneur d'être ainsi, en communion avec le Christ et en communion entre nous".
BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 22 novembre 2006
Source
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mardi, 30 septembre 2008
Interview du frère de Benoît XVI
Exclusif : Georg Ratzinger - le frère du pape - parle.
Miguel Garroté – Je publie ci-dessous quelques extraits que j’ai sélectionnés dans une longue interview menée par Andrea Tornielli pour ilgiornale avec Georg Ratzinger, le frère de Benoît XVI. La clarté, tant des questions posées par Andrea Tornielli et que des réponses données par Georg Ratzinger contribuent - selon moi - au débat permanent sur l’Eglise. Je me souviens avoir lu et entendu Caroline Glick, du Jerusalem Post et François Célier, pasteur protestant faire l’éloge de Benoît XVI. Cela ne m’a pas laissé indifférent. Sur la question spécifique de l’amitié judéo-chrétienne, j’ai quant à moi écrit le 15 septembre dernier un article intitulé Benoît XVI et le Judaïsme, article publié sur leblogdrzz, monde-info, juif.org et israel-infos.net. Aujourd’hui, je soumets l’interview ci-dessous, illustrée par mes soins, à votre bienveillant esprit critique.
Andrea Tornielli pour ilgiornale - Pouvez-vous nous dire quelque chose sur votre vie familiale et sur vos parents ?
Georg Ratzinger - « Nous étions une famille très unie. Notre père était commissaire de police, il provenait d'une vieille famille d'agriculteurs de la Basse Bavière. Ma mère était fille d'artisans, et avant de se marier, elle avait travaillé comme cuisinière. Lorsque c'était possible nous, les enfants, nous allions à la messe chaque jour. On prenait le petit déjeuner à la maison. Ensuite on se voyait de nouveau à déjeuner. Selon la tradition bavaroise nous mangions d'abord une soupe et ensuite le plat principal. L'après-midi nous vaquions à nos occupations, et ensuite avec mon frère nous allions nous promener en ville. Ensuite on dînait ensemble. À l'époque il n'y avait ni radio ni télévision, et le soir notre père jouait de la cithare et chantait des chansons. Ensuite on allait tout de suite au lit ».
Quelle opinion avait votre père du nazisme ?
« Dès le début, il a été un farouche opposant du nazisme. Il a vite compris que le national-socialisme serait une catastrophe et qu'il n'était pas seulement un grand ennemi de l'Église mais plus généralement de toute foi et de toute vie humaine ».
Vous et Joseph, avez-vous été obligés de vous engager dans les Hitlerjugend, la Jeunesse hitlérienne ?
« L'État avait décidé que tous les garçons des écoles, selon leur âge, devaient s'inscrire à des groupes de jeunes déterminés. Lorsque cela devint obligatoire, nous fûmes inscrits en bloc. Il n'y avait pas de liberté de choix et ne pas se présenter aurait certainement eu des conséquences fâcheuses. Mon frère, cependant, ne fréquentait pas ces rassemblements et il ne se présentait pas aux appels. Ce qui impliqua un dommage économique pour ma famille puisqu'elle ne bénéficia plus de l'escompte sur les taxes scolaires ».
Est-il vrai qu'un membre de votre famille finit tué dans l'Aktion T4, le projet nazi d'euthanasie ?
« C'était notre cousin, le fils d'une soeur de ma mère. C'était un enfant beau et gai, mais il souffrait de troubles mentaux. Il n'était pas en mesure de dialoguer correctement ou de participer aux conversations. Je ne peux rien dire de plus précis sur sa maladie. Ce n'est que beaucoup plus tard que nous découvrîmes que les nazis étaient venus le chercher chez lui, et qu'il avait été tué dans un camp d'extermination ».
Le séminaire de Traunstein
En 1935 vous êtes entrés au séminaire diocésain de Traunstein. Joseph a écrit dans son autobiographie : « Je suivis ses traces ». Comment naquit la vocation de Joseph ?
« Mon frère et moi, nous étions tous les deux enfants de choeur, et nous servions la messe. Ce fut très vite clair, d'abord pour moi et ensuite pour lui, que notre vie serait au service de l'Église ».
Comment la seconde guerre mondiale a-t-elle pesé sur votre vie et sur la vie de votre frère ?
« La guerre nous a éprouvés profondément, même lorsque nous étions à maison : la nourriture suffisait à peine. Nous avions un billet pour l'approvisionnement mensuel en nourriture, avec lequel on pouvait acheter seulement certains types d'aliments comme le sucre, le beurre, la matière grasse et un peu de viande. Le soir il fallait obscurcir les fenêtres pour ne pas laisser sortir la lumière et ne pas se faire voir des avions des alliés. J'ai été appelé d'abord au service du travail et ensuite au service militaire. Mon frère a été appelé quelque temps après moi. Nous avions des objectifs et des idéaux qui étaient opposés à ceux d'Hitler, mais nous étions soldats malgré tout. Il nous tardait qu'arrive le jour où la guerre serait finie ».
Joseph Ratzinger, que ce soit comme cardinal, ou comme Pape, a parlé des racines communes qui lient hébraïsme et christianisme. Aviez-vous des contacts avec des juifs dans votre famille ?
« C'est une donnée théologique que les juifs sont le peuple choisi par Dieu et que de ce peuple naquit Jésus, engendré par la Vierge Marie. Mais je dois admettre qu'à l'époque nous savions qu'il existait des juifs seulement par l'enseignement de la religion. Dans notre région, il n'y en avait pas, c'est la raison pour laquelle nous n'avions ni contact ni expérience vécue avec eux. Nous ne savions rien non plus des pogroms contre les juifs et des injustices commises dans leurs relations avec les nazis. Nous étions dans l'ignorance de tout ».
Votre frère, au temps de Concile, fut défini comme un « teenager de la théologie », un théologien de la mouvance progressiste, et il était le conseiller du cardinal Frings. Quels souvenirs avez-vous de ces évènements ?
« Je ne sais pas qui a forgé l'expression « teenager de la théologie » en se référant à mon frère. Dans cette période je n'étais pas à Rome: je n'y suis allé qu'une fois, avec Joseph et plusieurs professeurs allemands qui remplissaient un rôle d'experts au concile. Il était clair qu'il y avait la nécessité d'une ouverture, d'un développement théologique. Mon frère a contribué à la réalisation de tout cela, avec toute son intensité spirituelle et je crois qu'une partie du mérite de l'introduction de quelques idées nouvelles, qui étaient partie intégrante de nos convictions et de notre foi catholique, doit lui être attribuée ».
A l'époque post-conciliaire, le professeur Ratzinger s'est retrouvé à Tübingen, dans une faculté théologique transformée en « centre idéologique » du marxisme. Votre frère a-t-il changé au cours de ces années ?
« Non, il n'a pas changé. Les jeunes, en Allemagne vivaient un état de trouble. La poussée vers le changement qui avait eu lieu dans le Concile, se manifestait avec plus de force parmi les laïques. Les jeunes allemands et des autres pays vivaient dans un climat instable, sans contrôle. L'idée dominante était que tout devait changer, il fallait introduire des nouveautés: mon frère approuvait celles qui étaient bonnes mais il rejetait celles qui étaient inconciliables avec la foi. L'idée que le Concile ne devait apporter que la nouveauté n'était pas correcte, puisque le but était celui de présenter d'une manière adaptée aux temps la foi catholique de toujours ».
De qui s'inspirait votre frère quand il était professeur ?
« Dans ses cours, il s'inspirait de quelques théologiens français, il avait comme modèles surtout Henri de Lubac et le théologien suisse Hans Urs von Balthasar. Au centre de son travail, il y avait la Sainte Écriture et les écrits des pères de l'Église. Pendant ses études universitaires il avait cherché à redécouvrir ce patrimoine, à le faire sortir de l'oubli et à le raviver ».
Quelle signification a la liturgie pour les frères Ratzinger ?
« La liturgie, la messe, représente le coeur de notre foi et de notre action, elle est la rencontre personnelle avec Dieu. Ceci naturellement est à la première place. Nous ne pourrions pas imaginer un jour sans la messe, sans la liturgie, ce serait un jour pauvre, privé de l'essentiel… ».
Pourquoi Benoît XVI a-t-il voulu libéraliser l'ancienne liturgie pré-conciliaire avec le Motu Proprio « Summorum Pontificum » ?
« À l'époque de la réforme liturgique, le changement se produisit rapidement et il ne fut pas facile pour tous à accepter. D'un jour à l'autre l'ancienne liturgie fut remplacée par la nouvelle, à laquelle nous sommes maintenant attachés et avec laquelle nous célébrons la messe avec une participation intérieure pleine de joie. Il y eut, cependant, certains dans l'Église qui n'acceptèrent pas complètement ce « saut », puisque la perte de l'ancienne liturgie les avait privés de quelque chose et avait bouleversé leur foi. Pour ne pas laisser ces personnes seules, pour les réintégrer pleinement dans la communauté ecclésiale, mon frère a décidé de libérer l'ancienne liturgie pré-conciliaire».
Pouvez-vous nous raconter comment vous avez passé ensemble, cette année, les vacances d'été à Bressanone (photo). On dit que vous vous promeniez ensemble et qu'on vous voyait souvent sourire ?
« Nous avons passé beaucoup de périodes de congé à Bressanone et avons vécu dans le séminaire, celui-là même où nous avons été cette année. Les autres fois, cependant, nous pouvions sortir, nous promener tranquillement en ville et visiter les églises. A présent que mon frère est le Pape tout cela n'est plus possible. Ainsi nous avons dû rester à l'intérieur et faire les promenades dans le jardin du séminaire. Ces promenades ont été belles malgré tout, même si j'ai des problèmes à me promener. J'ai des gros problèmes avec la vue et avec les jambes ».
Votre frère s'est-il habitué à être le Pape ?
« Oui, il s'est habitué rapidement à sa nouvelle condition. Il doit simplement accepter ce nouvel ordre des choses. Il le vit comme la volonté de Dieu et s'engage avec toutes ses capacités ».
Les mots que Benoît XVI répète le plus souvent sont « joie », « amour » et « beauté ». Ils contrastent avec l'image du « panzerkardinal » avec lequel il a été décrit pendant des années ?
« Oui, je pense que cette image le décrit mal et ne correspond pas à la réalité. Il n'a jamais été un homme brusque, avec l'intention d'offenser les autres. Il a eu toujours beaucoup de respect de l'opinion d'autrui. Souvent les media créent des images fausses des gens ».
Interview menée par Andrea Tornielli pour ilgiornale
20:03 Publié dans Benoît XVI | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, religion, politique, pape, rome | | Imprimer | | del.icio.us | Digg | Facebook | | |