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vendredi, 08 janvier 2010

Un mauvais point pour Mgr Nourrichard

 

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C'est un très mauvais point pour Mgr Nourrichard : le vaticaniste Andrea Tornielli s'est emparé de l'affaire et en a rendu compte dans son journal, Il Giornale. Il y montre qu'il a bien compris le réel problème, qui est liturgique, sous le titre "L'évêque sifflé pour avoir refusé la messe en latin". Extraits :

"La paroisse de Thiberville est considérée comme l'un des rares cas en France de parfaite application du motu proprio Summorum Pontificum, avec lequel en 2007 Benoît XVI a décidé de libéraliser la messe ancienne [...]. L'abbé Francis Michel, curé depuis 1986, célèbre personnellement depuis longtemps maintenant, chaque dimanche, une messe dans l'après-midi en rite ancien, ajoutées à trois autres célébrées selon le missel post-conciliaire. Toutes les messes, celles à l'ancienne manière comme celles de la nouvelle, sont célébrées avec le prêtre tourné vers l'orient [...].

La paroisse, qui compte 4.500 âmes, est très florissante : les églises - soit treize clochers dans les campagnes environnantes - sont toujours pleines, les enfants qui fréquentent le catéchisme sont 120, il y a une trentaine de premières communions tous les ans. On fait encore les processions, on célèbre les baptêmes individuels, il y a l'adoration du Très saint Sacrement et les rites funèbres sont toujours présidés par un prêtre [...]. Avec ces résultats en contradiction avec ce qui se passe dans les autres zones du diocèse, ont crû les mauvaises humeurs parmi le clergé pour les méthodes de l'abbé Michel."

Après le récit de la journée du 3 janvier, Andrea Tornielli écrit que la décision  de Monseigneur Nourrichard devra être «attentivement évaluée avec ses collaborateurs». Ces mêmes collaborateurs, qui font pression sur le site internet du diocèse. L'évêque d'Evreux serait sage d'écouter ce qui se dit du côté du Vatican plutôt que du côté de sa curie diocésaine.

 

 

Source

 

Perepiscopus

 

 

14:56 Publié dans Pieuse jacquerie à Thiberville | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : vatican, benoît xvi, messe, actualité, normandie | |  Imprimer | |  del.icio.us | Digg! Digg |  Facebook | | | | Pin it! |

lundi, 19 octobre 2009

C'est confirmé : l'offre de messes en latin créée la demande

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En Italie, 63 % des catholiques pratiquants assisteraient régulièrement (40% toutes les semaines et 23% au moins une fois par mois) à la "messe traditionnelle" (c'est-à-dire la forme extraordinaire du rite romain, la messe Saint-Pie V) s’ils en avaient la possibilité matérielle.

A la suite de nombreuses sollicitations transalpines, « Paix Liturgique » et le très actif blog « Messa in latino » ont commandité un sondage à propos de la réception du Motu Proprio Summorum Pontificum en Italie et de l’attrait des Italiens pour la forme extraordinaire du rite romain.

Cette enquête a été réalisée du 24 au 27 septembre dernier auprès d'un échantillon de 1001 personnes de 15 ans et plus par l'institut Doxa. Institut leader en Italie sur le marché des sondages, membre fondateur du réseau Gallup, Doxa est reconnu pour la rigueur scientifique de son travail.

Paix Liturgique commente :

Ce sondage rappelle également avec force que les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain sont extrêmement nombreux et ne sauraient se réduire à ceux de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, par ailleurs très peu implantée en Italie où elle ne compte que 3 prieurés. Cette précision est importante car les évêques tentent régulièrement de limiter le débat liturgique à la FSSPX qui en réalité ne regroupe qu’une minorité – visible et dynamique – des fidèles restés attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Voilà encore une illustration de la justesse de vue du Saint Père qui a compris que de très nombreux fidèles de base, restés dans leurs paroisses pour diverses raisons ou ayant fait le choix de ne plus pratiquer, sont restés attachés à l’expression de la foi de leurs pères et ne demandent qu’à pouvoir en jouir à nouveau.


Source
E-DEO

11:56 Publié dans Motu Proprio | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : religion, messe, tradition, motu proprio | |  Imprimer | |  del.icio.us | Digg! Digg |  Facebook | | | | Pin it! |

jeudi, 17 juillet 2008

François d’Assise un homme de paix formé par la liturgie

L’histoire de François d’Assise, comme celle de tous les hommes, restera en un certain sens un mystère. Ce qui n’empêche pas de continuer à l’approfondir grâce aussi aux connaissances acquises jusqu’ici. C’est dans cette perspective que l’on est en train de reconnaître le rôle important, pour ne pas dire fondamental, de la liturgie dans la vie du saint

par Pietro Messa

 

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  1. François annonce le pardon d’Assise

 

 

 

 

La considération de l’importance de la liturgie dans la vie de François

peut aider à mieux comprendre son rapport avec l’Église […].

La prière et la méditation de textes antérieurs à lui, expressions

de la vie et de la sainteté de l’Église tout au long des siècles,

devinrent pour François le lieu de communion avec l’histoire du salut


 

 

On ne peut pas ne pas reconnaître qu’en un certain sens François d’Assise, comparé à d’autres saints, a connu un sort enviable: déclaré en 1992 par le Time magazine l’un des hommes les plus représentatifs du second millénaire, étudié par des centres de recherche universitaires laïques et religieux, il a fait l’objet d’innombrables publications scientifiques, d’ouvrages de divulgation, différents films lui ont été consacrés et il a été reconnu comme une référence idéale par des personnes de cultures et de religions diverses. S’ajoute à tout cela le choix qu’a fait Jean Paul II d’Assise, la ville de saint François, pour la journée historique du 27 octobre 1986 qui a donné naissance à ce que l’on appelle l’”esprit d’Assise”, à savoir un mouvement interreligieux en faveur de la paix; le Souverain Pontife y est encore retourné les 9 et 10 janvier 1993 et, malgré les nombreuses réserves et perplexités qui se sont exprimées au sujet de l’opportunité de cette visite, le 24 janvier 2002, c’est-à-dire après les attentats terroristes du 11 septembre 2001.


      Un saint François très en honneur donc, et même si le jour de sa fête, le 4 octobre, n’est pas devenu en Italie une fête nationale, son nom est de toute façon synonyme de dialogue interculturel et interreligieux. Tout le monde sait toutefois que le succès glisse facilement dans l’outrance et le saint d’Assise n’échappe pas à la règle.
Les études franciscaines ont passé au crible les sources concernant son expérience chrétienne et d’innombrables chercheurs continuent à approfondir l’étude de ces sources pour y découvrir le visage de ce saint, au-delà de toute image hagiographique ou de toute manipulation idéologique. On a approfondi sa formation culturelle et spirituelle dans laquelle on a reconnu les strates suivantes: la culture du fils du marchand, une idéologie chevaleresque qui faisait de lui idéologiquement un chevalier, la culture courtoise qui subsista en lui après sa conversion, l’élément évangélique et même la réminiscence des vies anciennes des Pères du déserti. Après ces innombrables études, qui ont commencé avec Paul Sabatier, il semble qu’il n’y ait désormais plus rien à approfondir au sujet du frère François d’Assise, le fils du marchand Pietro di Bernardone. Mais en fait l’image la plus répandue de saint François non seulement semble outrée mais elle donne parfois l’impression d’avoir été amputée de quelque chose d’important, quand elle n’est pas victime de quelque opération idéologique au service d’autres fins. Certainement, l’histoire de François d’Assise, comme celle de tous les hommes, restera en un certain sens un mystère. Ce qui n’empêche pas de continuer à l’approfondir grâce aussi aux connaissances acquisesjusqu’ici. C’est dans cette perspective que l’on est en train de reconnaître le rôle important, pour ne pas dire fondamental, de la liturgie dans la vie du saint.
     

 

      1. UNE PÉRIODE DE RÉFORME LITURGIQUE
 
 
 
 
 
      L’époque à laquelle vécut saint François est une époque de grands changements et de grandes transformations culturelles: le développement des communes, la naissance des universités, l’incitation aux échanges commerciaux, l’apparition de nouvelles exigences religieuses qui débouchaient souvent sur l’hérésie mais aussi sur des mouvements inspirés par l’esprit de pauvreté. Tous ces aspects sont généralement pris en considération par les chercheurs les plus avisés, lorsqu’ils décrivent le cadre historique de l’histoire de François d’Assise. Mais la considération que ces années furent l’un des moments névralgiques de l’histoire de la liturgie a été presque totalement négligée. Si l’on prend en effet n’importe quel livre d’histoire de la liturgie, on peut constater qu’Innocent III commença une réforme de la liturgie de la Curie romaine dont les résultats se diffusèrent partout par l’intermédiaire, justement, des Frères mineurs, au point que cette réforme est encore aujourd’hui l’élément caractéristique de la liturgie latine de rite romain.
      Au début du XIIIe siècle existaient fondamentalement à Rome quatre types de liturgie: celle de la Curie romaine, qui résidait au Palais du Latran, celle de la basilique Saint-Jean toute proche, celle de la basilique Saint-Pierre et celle dite de l’Urbe c’est-à-dire de la ville de Rome. Innocent III, dans son programme de réforme, qui trouva sa meilleure expression au moment du Concile Latran IV de 1215, n’exclut pas la liturgie. L’un des fruits les plus prestigieux de la réforme de la liturgie fut le bréviaire. En rapprochant, intégrant, adaptant à la vie de la Curie romaine, dont les déplacements étaient fréquents, des textes qui étaient précédemment distribués dans des livres différents, Innocent III fournit un instrument maniable à ceux qui étaient souvent en voyage. Ce bréviaire, en raison précisément de sa commodité, fut aussi rapidement adopté par certains diocèses dont celui d’Assise. De la sorte, François et la communauté des Frères Mineurs eurent accès à un livre liturgique qui se révéla rapidement conforme à leurs exigences de personnes itinérantes qui vivaient en “étrangers et pèlerins”ii. Ainsi les Frères Mineurs adoptèrent-ils pour eux-mêmes la prière liturgique et spécifiquement celle de la Curie romaine, c’est-à-dire celle du Souverain Pontife.

 

 

 
2. CE N’ÉTAIT PAS SEULEMENT UNE QUESTION DE PRIÈRE
 
 

      Il n’était pas indifférent d’adopter tel ou tel livre liturgique. C’est ce qu’avait déjà compris le pape Grégoire VII qui redoutait toute disparité liturgique parce que, dans certains cas, celle-ci conduisait à une disparité non seulement juridictionnelle mais aussi doctrinale, autrement dit à l’hérésie. Adopter, par exemple, le bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III signifiait accueillir toute une tradition précédente; la disposition dans cet ouvrage des différentes fêtes, le choix de certaines lectures, l’assemblage de passages de la Bible pour former des antiennes, versets et répons, la présence d’innombrables lectures issues des Pères de l’Église ou des anciens martyrologes étaient fondamentalement le résultat de la réflexion ecclésiale et de l’expérience monastique de tout le millénaire précédent. Ainsi donc, en adoptant le bréviaire, François et la communauté des Frères Mineurs s’insérèrent dans une histoire qui les avait précédés et qui avait été transmise au long des siècles. Cela ne signifie pas qu’ils se sentirent prisonniers de cette tradition ou qu’ils agirent comme s’ils l’étaient: en effet, comme le note une source, François ne manqua pas d’affirmer sa particularité en repoussant certains modèles précédents.
      Toujours est-il que, comme le montrent les innombrables réminiscences liturgiques présentes dans les écrits de François, les Frères Mineurs s’insérèrent, en accueillant la prière du bréviaire, dans la tradition spirituelle et théologique qui avait mûri au long des siècles dans l’Église. Ces réminiscences, que l’on appelle en langage technique cas d’”intertextualité et d’interdiscursivité” – c’est-à-dire des citations à proprement parler ou des renvois conceptuels – sont souvent la transmission de textes patristiques intériorisés par le saint. Si cela peut surprendre, surtout au regard d’une certaine historiographie qui a présenté François d’Assise comme le Saint du seul Évangile – presque une sorte de précurseur de la réforme protestante –, le fait que souvent la Bible et donc l’Évangile soient présents dans ses écrits par l’intermédiaire de la liturgie est encore plus riche de conséquences. Cela, naturellement, conduit à revoir certaines descriptions de l’expérience spirituelle de François, dans lesquelles le saint est représenté comme un homme qui a eu un rapport immédiat, sans médiation, avec l’Écriture. Ce qui apparaît, au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église. Et la liturgie est elle-même une explication de l’Écriture, autrement dit une exégèse: en effet, le seul fait qu’une lecture ait été attribuée à une fête plutôt qu’à une autre indique déjà la clef de lecture et donc de compréhension d’un passage déterminé. Ainsi, le fait d’avoir placé dans le Commun de la Vierge Marie la lecture du chapitre 11 d’Isaïe, dans lequel il est question du rameau qui sort de la souche de Jessé, est déjà, en soi, une perspective mariale donnée à ce passage-là. Perspective notablement renforcée si, ensuite, on remplace le mot virga, c’est-à-dire rameau, par virgo, c’est-à-dire Vierge, comme cela a été fait dans le bréviaire qui a appartenu à saint François d’Assise: «La Vierge sortira de la souche de Jessé, et de sa racine une fleur montera, sur lui se reposera l’esprit de Yahvé»iii.

 

 

 

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2. François se rend à la Portioncule
 

 

 

 
 
 3. LE TÉMOIGNAGE
      DU
BREVIARIUM SANCTI FRANCISCI
 
 

      On trouve un témoignage de l’importance de la liturgie dans la communauté des Frères Mineurs et dans l’histoire de François d’Assise non seulement dans la Règle des Frères Mineurs confirmée par le pape Honorius III en 1223 mais surtout dans un manuscrit conservé parmi les reliques du protomonastère Sainte-Claire, près de la basilique du même nom, à Assise. Comme en témoigne un ajout autographe de frère Léon, l’un des compagnons et témoins du Saint, ce manuscrit fut utilisé par saint François lui-même. «Le bienheureux François procura ce bréviaire à frère Ange et à frère Léon, ses compagnons, car, au moment où il était en bonne santé, il voulait toujours dire l’Office, comme le comporte la Règle; et quand il fut malade, au contraire, comme il ne pouvait pas le réciter, il voulait l’écouter; et cela, il continua à le faire tant qu’il vécut»iv.
      Le manuscrit, appelé Breviarium sancti Francisci, se compose essentiellement d’un bréviaire, du psautier et de l’évangéliaire; la première partie, la plus consistante, est constituée du bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III. L’ancienneté du texte, qui fait de lui un témoin privilégié de cette réforme et donc de l’histoire des livres liturgiques en général, est confirmée par la présence, surtout dans les solennités mariales ou de saints liés au ministère pontifical, comme Pierre, Paul et Grégoire le Grand, de lectures tirées des sermons du même Innocent III; ces lectures, après la mort de ce Pape en 1216, furent rendues facultatives par son successeur, Honorius III, et disparurent immédiatement du bréviairev. Le Bréviaire de saint François est le seul véritable bréviaire qui contienne l’intégralité de ces lectures. Ce manuscrit fut utilisé par saint François et il contribua certainement à former en lui une culture théologique, aussi rudimentaire fût-elle, qui lui permit d’exprimer sa spiritualité et sa pensée dans des écrits, dont trois sont encore en notre possession sous leur forme autographevi.
      Il faut donc, étant donné le rôle qu’a joué la liturgie dans la formation culturelle et spirituelle de François, attribuer à celle-ci la place qui lui revient quand on cherche à comprendre le message du saint d’Assise. Ainsi, ce dont il faut tenir compte lorsque l’on veut approfondir un thème particulier de sa pensée, c’est surtout du contenu du manuscrit; le rôle que joue la Vierge Marie, par exemple, dans la pensée de saint François deviendra plus intelligible si on lit ses écrits en tenant compte de l’Office de la Bienheureuse Vierge et des quatre fêtes mariales contenues dans le bréviaire dont nous avons parlé, à savoir la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février; l’Annonciation, le 25 mars; l’Assomption et son octave, du 15 au 22 août; et la Naissance de Marie, le 8 septembre. Même si les deux premières fêtes, soit la Présentation au Temple et l’Annonciation, célèbrent deux mystères de la vie de Jésus-Christ, elles avaient déjà acquis depuis des siècles une forte connotation mariale. C’est si vrai que la première reçoit le nom dans le Breviarium de fête de la Purification de la Vierge Marievii.

 L’importance du Breviarium sancti Francisci fut reconnue et témoignée par ce même frère Léon qui le donna à l’abbesse Benedetta du monastère Santa Chiara à Assise pour qu’elle le conserve comme un témoin privilégié de la sainteté de François. Cependant, avant de le remettre, il marqua dans le calendrier des jours anniversaires de différents défunts, parmi lesquels figuraient Innocent III et Grégoire IX. Pendant quelques années encore, le bréviaire du Saint fut utilisé comme livre liturgique, après quoi il fut définitivement déposé parmi les reliques du monastère où on peut encore l’admirer aujourd’hui. C’est précisément l’importance qu’il revêt qui valut à sa couverture d’être décorée au XVIIe siècle de deux ornementations d’argent représentant saint François et sainte Claire.
     
     
 
4. FRANÇOIS ET L’ÉGLISE
 
 
      L’un des sujets les plus débattus dans l’historiographie franciscaine est le rapport de François avec l’Église. Certains historiens ont parlé de François comme d’une sorte de révolutionnaire mais il y en a d’autres qui, ne pouvant contredire les sources, ont cherché la raison de son obéissance à la hiérarchie dans le choix qu’il a fait de vivre la vie de frère mineur. Dans une interprétation comme dans l’autre, son attitude est toujours considérée d’un point de vue que nous pourrions qualifier de détaché, extrinsèque. La considération de l’importance de la liturgie dans la vie de François peut aider à mieux comprendre son rapport avec l’Église: il vécut, et certainement pas de façon passive, l’insertion dans une histoire qui le précédait et qui s’était exprimée, entre autres, à travers des formules liturgiques précises. La prière et la méditation de textes antérieurs à lui, expressions de la vie et de la sainteté de l’Église tout au long des siècles, devinrent pour François le lieu de communion avec l’histoire du salut. C’est la raison pour laquelle il se montra très déterminé contre ceux qui ne voulaient pas réciter l’Office, comme en témoigne ce qu’il écrit dans son testament: «Et bien que je sois simple et faible, je veux toujours avoir un clerc qui me récite l’Office comme le prescrit la Règle. Et que tous les autres frères soient tenus à obéir ainsi à leurs gardiens et à dire l’Office selon la Règle. Et si se trouvent des frères qui ne disent pas l’Office selon la Règle, et qui veuillent y introduire des transformations ou qui ne soient pas catholiques, que tous les frères, où qu’ils soient, soient tenus par obéissance, où qu’ils aient trouvé l’un de ceux-ci, à le faire comparaître devant le custode le plus proche du lieu où ils l’auront trouvé. Et que le custode soit fermement tenu par obéissance à le garder sévèrement, comme un homme en prison, jour et nuit, de sorte qu’il ne puisse lui être ôté des mains jusqu’à ce qu’il le remette personnellement dans les mains de son ministre. Et que le ministre soit fermement tenu, par obéissance, à l’envoyer par le moyen de ces frères qui le gardent jour et nuit comme un homme emprisonné, jusqu’à ce qu’on le présente devant le Seigneur d’Ostie, qui est le seigneur, le protecteur et le correcteur de toute la fraternité»viii. Cette suite d’opérations qui se termine par la remise au “Seigneur d’Ostie”, c’est-à-dire à celui qui était appelé le cardinal protecteur de l’Ordre des Frères Mineurs a été considérée comme l’une des “duretés” du frère François, laquelle contraste beaucoup avec l’image irénique que l’on a de lui; et cette dureté s’exerce contre ceux qui ne récitent pas le bréviaire. Cela est dû au fait que cette prière précise, et donc son refus, étaient directement liés à l’orthodoxie ou la non-orthodoxie de la personne et de la communauté.
     
Le principe lex orandi, lex credendi, lex vivendi, auquel saint François, comme nous pouvons le constater,  s’est conformé dans sa vie est aussi considéré par ce dernier, même si ce n’est pas de façon explicite, comme l’un des points de référence de son expérience chrétienne. La modalité selon laquelle François a prié, à savoir la récitation du bréviaire, dont il a voulu qu’elle fût aussi celle de la communauté des frères Mineurs, est l’expression de sa foi – celle de l’Église représentée par le Souverain Pontife – qui s’est exprimée dans son expérience concrète. Ainsi donc, si l’on veut comprendre pleinement l’expérience du saint d’Assise et sa prédication de paix – avec la signification que celle-ci a eue tout au long de l’histoire et surtout grâce au pontificat de Jean Paul II –, il n’est pas possible de négliger la foi qu’il a exprimée à travers la prière, la prière liturgique surtout, et la récitation du bréviaire.                                          

     

 

 

Souvent la Bible et donc l’Évangile sont présents dans ses écrits

par l’intermédiaire de la liturgie […]. Ce qui apparaît,

au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture

à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église

 

 

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 3

 


     
     
     
 
      Note


      1  J. Dalarun, Francesco: un passaggio. Donna e donne negli scritti e nelle leggende di Francesco d’Assisi, postface de G. Miccoli, Rome 1994.
      2 P. Messa, Un testimone dell’evoluzione liturgica della fraternitas francescana primitiva: il Breviarium sancti Francisci, in Revirescunt Chartae, codices documenta textus: miscellanea in honorem fr. Caesaris Cenci, OFM, ed. A. Cacciotti-P. Sella, vol. I, Romae 2002, p. 5-141.
      3 P. Messa, L’Officium mortuorum e l’Officium beate Marie virginis dans le Breviarium sancti Francisci, in Franciscana. Bollettino della Società internazionale di studi francescani, 4 (2002), p. 111-149.
      4 Frère Léon d’Assise, Nota al Breviario di san Francesco, in Fonti Francescane, édité par Ernesto Caroli, Padoue 2004, p. 2696.
      5 P. Messa, I sermoni di Innocenzo III nel Breviarium sancti Francisci, in Archivum Franciscanum Historicum, 95 (2002), p. 249-265.
      6 P. Messa, Le fonti patristiche negli scritti di Francesco di Assisi, préface de G. Miccoli, Assise 1999.
      7 P. Messa, Le feste mariane nel Breviarium sancti Francisci, in L’Immacolata Concezione. Il contributo dei francescani. Actes du Congrès de mariologie franciscaine du 150e anniversaire de la proclamation dogmatique (Sainte-Marie-des-Anges, Assise, 4-8 décembre 2003), Cité du Vatican 2005.
      8 Francesco d’Assisi, Testamento, 29-33, in Fonti Francescane, op. cit., pp. 125-126.

 

 

 

 
 

 

Source

30 JOURS 

 

Illustrations

 

1 - 2 Images du retable Le pardon d’Assise du Prêtre Ilario da Viterbo, 1393,

conservée dans l’abside de la Portioncule, Basilique Sainte-Marie-des-Angesß, Assise

 

3. Zurbaran 

 

 

 

 

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vendredi, 11 avril 2008

L’assistance à la Messe, source de sanctification

 
 
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Par le P. Reginald Garrigou-Lagrange, O.P.

Extrait de la Vie Spitituelle n°187, du 1er Avril 1935

 

 

 

La sanctification de notre âme se trouve dans une union chaque jour plus intime avec Dieu, union de foi, de confiance et damour. Dès lors un des plus grands moyens de sanctification est lacte le plus élevé de la vertu de religion et du culte chrétien : la participation au sacrifice de la Messe. Pour toute âme intérieure, la Messe doit être chaque matin comme la source éminente, doù dérivent les grâces dont nous avons besoin dans le cours de la journée, source de lumière et de chaleur, semblable, dans lordre spirituel, à ce quest le lever du soleil dans lordre de la nature. Après la nuit et le som­meil, qui sont comme une image de la mort, le soleil réapparaissant chaque matin rend en quelque sorte la vie à tout ce qui se réveille à la surface de la terre. Si nous connaissions profondément le prix de la messe quo­tidienne, nous verrions quelle est comme un lever de soleil spirituel, pour renouveler, conserver et augmenter en nous la vie de la grâce, qui est la vie éternelle com­mencée. Mais trop souvent lhabitude dassister à la messe, par manque desprit de foi, dégénère en routine, et nous ne recevons plus alors du saint sacrifice tous les fruits que nous devrions en recevoir.

Ce devrait être pourtant l’acte le plus grand de chacune de nos journées, et dans la vie dun chrétien, surtout dun religieux, tous les autres actes quotidiens ne devraient être que l’accompagnement de celui-là, notam­ment toutes les autres prières et les petits sacrifices que nous devons offrir au Seigneur dans la journée.

Rappelons ici :

1° ce qui fait la valeur du sacrifice de la messe,

2° quel est le rapport de ses effets avec nos dis­positions intérieures,

3° comment nous devons nous unir au sacrifice eucharistique.

 


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L’oblation toujours vivante au cœur du christ

 

Lexcellence du sacrifice de la Messe vient, dit le Concile de Trente[1], de ce que cest le même sacrifice en substance que celui de la Croix, parce que cest le mêmeprêtre qui continue actuellement de soffrir par ses ministres, cest la même victime, réellement présente sur lautel, qui est réellement offerte ; seule la manière de loffrir diffère : tandis quil y eut sur la Croix une immolation sanglante, il y a à la Messe une immolation sacramentelle par la séparation, non pas physique, mais sacramentelle du corps et du sang du Sauveur, en vertu de la double consécration. Ainsi le sang de Jésus, sans être physiquement répandu, est sacramentellement répandu[2].

Cette immolation sacramentelle est un signe[3] de loblation intérieure de Jésus, à laquelle nous devons nous unir ; elle est aussi le mémorial de limmolation sanglante du Calvaire. Bien qu’elle soit seulement sacramentelle, cette immolation du Verbe de Dieu fait chair est plus expressive que limmolation sanglante de lagneau pascal et de toutes les victimes de lAncien Testament. Un signe tire en effet sa valeur expressive de la grandeur de la chose signifiée ; le drapeau qui nous rappelle la patrie, fût-il dune étoffe commune, a plus de prix à nos yeux que le fanion particulier dune compagnie ou que linsigne dun officier. De même limmolation sanglante des victimes de lAncien Testament, figure éloignée du sacrifice de la Croix, exprimait seulement les sentiments intérieurs des prêtres et des fidèles de lancienne Loi ; tandis que limmolation sacramentelle du Sauveur sur nos autels exprime surtout l’oblation intérieure toujours vivante au cœur du « Christ qui ne cesse d’intercéder pour nous » (Hébr., VII, 25).

Or cette oblation, qui est comme lâme du sacrifice de la Messe, a une valeur infinie, quelle puise en la personne divine du Verbe fait chair, prêtre principal et victime, dont limmolation continue sous une forme sacramentelle.

Saint Jean Chrysostome écrit : « Lorsque vous voyez à lautel le ministre sacré élevant vers le ciel la sainte hos­tie, nallez pas croire que cet homme soit le prêtre véri­table (principal), mais, élevant vos pensées au-dessus de ce qui frappe les sens, considérez la main de Jésus-Christ invisiblement étendue[4]. » Le prêtre que nous voyons de nos yeux de chair ne peut pénétrer toute la profondeur de ce mystère, mais au-dessus de lui il y a lintelligence et la volonté de Jésus prêtre principal. Si le ministre nest pas toujours ce quil devrait être, le prêtre principal est infiniment saint ; si le ministre, même lorsquil est très bon, peut être légèrement distrait ou occupé des cérémonies extérieures du sacrifice, sans en pénétrer le sens intime, il y a au-dessus de lui quelquun qui nest pas distrait et qui offre à Dieu en pleine connaissance de cause une adoration réparatrice dune valeur infinie, une supplication et une action de grâces dune portée sans limites.

Cette oblation intérieure toujours vivante au cœur du Christ est donc bien pour ainsi dire lâme du sacrifice de la Messe. Elle est la continuation de celle par laquelle Jésus soffrit comme victime en entrant en ce monde et dans tout le cours de son existence terrestre, surtout sur la Croix. Quand le Sauveur était sur la terre, cette oblation était méritoire ; maintenant elle continue sans cette modalité du mérite. Elle continue sous forme dadoration réparatrice et de supplication, pour nous appliquer les mérites passés de la Croix. Même lorsque la dernière Messe sera achevée à la fin du monde, et quil ny aura plus de sacrifice proprement dit, mais sa consommation, loblation intérieure du Christ à son Père durera, non plus sous forme de réparation et de supplication, mais sous forme d’adoration et daction de grâces. Cest ce que nous fait prévoir le Sanctus, Sanctus, Sanctus, qui donne quelque idée du culte des bienheureux dans léternité.

Sil nous était donné de voir immédiatement lamour qui inspire cette oblation intérieure, qui dure sans cesse au cœur du Christ, « toujours vivant pour intercéder pour nous », quelle ne serait pas notre admiration !

La Bienheureuse Angèle de Foligno nous dit[5] : « Jai non pas la pensée vague, mais la certitude absolue que, si une âme voyait et contemplait quelquune des splendeurs intimes du sacrement de lautel, elle prendrait feu, car elle verrait lamour divin. Il me semble que ceux qui offrent le sacrifice, ou qui y prennent part, devraient méditer profondément sur la vérité profonde du mystère trois fois saint, dans la contemplation duquel nous devrions demeurer immobiles et absorbés. »

 


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Les effets du sacrifice de la messe et nos dispositions intérieures

 

Loblation intérieure du Christ Jésus, qui est lAme du sacrifice eucharistique, a les mêmes fins et les mêmes effets que le sacrifice de la Croix, mais il importe de dis­tinguer, parmi ces effets, ceux qui sont relatifs à Dieu et ceux qui nous concernent.

Les effets de la Messe immédiatement relatifs à Dieu, comme ladoration réparatrice et laction de grâces, se produisent toujours infailliblement et pleinement avec leur valeur infinie, même sans notre concours, même si la Messe était célébrée par un ministre indigne, pourvu quelle soit valide. De chaque Messe sélève ainsi vers Dieu une adoration et une action de grâces dune valeur sans limites, à raison de la dignité du Prêtre principal qui offre et du prix de la victime offerte. Cette oblation « plait plus à Dieu que tous les péchés réunis ne lui déplaisent » ; cest là ce qui constitue lessence même du mystère de la Rédemption par manière de satisfaction[6].

Quant aux effets de la Messe, qui sont relatifs à nous, ils ne se répandent que dans la mesure de nos dispositions intérieures.

Cest ainsi que la Messe, comme sacrifice propitiatoire, obtient ex opere operato aux pécheurs qui ny résistent pas, la grâce actuelle qui les porte à se repentir et qui leur inspire daller se confesser de leurs fautes[7]. Les paroles Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, parce nobis Domine, produisent en ceux des pécheurs qui ny mettent pas dobstacle des sentiments de contrition, comme le sacrifice de la Croix les produisit en lâme du bon larron. Il sagit ici surtout des pécheurs qui assistent à la Messe ou de ceux pour qui elle est dite.

Le sacrifice de la Messe, comme satisfactoire, remet aussi infailliblement aux pécheurs repentants une partie au moins de la peine temporelle due au péché, et cela en proportion des dispositions plus ou moins parfaites avec lesquelles ils y assistent. Cest pour cela, dit le Concile de Trente, que le sacrifice eucharistique peut être offert aussi pour la délivrance des âmes du purgatoire[8].

Enfin comme sacrifice impétratoire ou de Supplication, la Messe nous obtient ex opere operato toutes les grâces dont nous avons besoin pour nous sanctifier. Cest la grande prière du Christ toujours vivant qui continue pour nous, accompagnée de la prière de lEglise, Epouse du Sauveur. Leffet de cette double prière est propor­tionné à notre ferveur, et celui qui sy unit de son mieux est sûr dobtenir pour lui et ceux qui lui sont chers, les grâces les plus abondantes.

Selon saint Thomas et beaucoup de théologiens, ces effets de la Messe relatifs à nous ne sont limités que par la mesure de notre ferveur[9]. La raison en est que lin­fluence dune cause universelle nest limitée que par la capacité des sujets qui la reçoivent. Ainsi le soleil éclaire et réchauffe sur une place aussi bien mille personnes quune seule. Or le sacrifice de la Messe, étant substantiellement le même que celui de la Croix, est, par manière de réparation et de prière, une cause universelle de grâces, de lumière, dattrait et de force. Son influence sur nous nest donc limitée que par les dispositions ou la ferveur de ceux qui la reçoivent. Ainsi une seule messe peut être aussi profitable pour un grand nombre de personnes que si elle était offerte pour une seule dentre elles ; tout comme le sacrifice de la Croix ne fut pas moins profitable au bon larron que sil avait été offert pour lui seul. Si le soleil réchauffe aussi bien sur une place mille personnes quune seule, linfluence de cette source de chaleur spirituelle quest la Messe nest certes pas moindre dans son ordre. Plus on y assiste avec foi, confiance, religion et amour, plus grands sont les fruits qu’on en retire.

Tout cela nous montre pourquoi les saints, à la lumière des dons du Saint-Esprit, ont toujours tant apprécié le Sacrifice de la Messe. Certains, quoique infirmes et malades, voulaient se traîner à la messe, parce quelle vaut plus que tous les trésors. Sainte Jeanne dArc, se rendant à Chinon, importunait ses compagnons darmes et obtenait deux, à force dinstances, dassister chaque jour à la messe. Sainte Germaine Cousin était si fortement attirée vers lEglise quand elle entendait la cloche annoncer le saint sacrifice, quelle laissait ses brebis à la garde des anges et courait assister à la messe ;toujours son trou­peau fut bien gardé. Le saint Curé dArs parlait du prix de la Messe avec une telle conviction, quil avait obtenu que tous ou presque tous ses paroissiens y assistassent. Nombre dautres saints versaient des larmes damour ou tombaient en extase pendant le sacrifice eucharistique ; quelques-uns ont vu à la place du célébrant Notre-Seigneur lui-même, le Prêtre principal. Dautres, à lélévation du calice, virent le précieux sang déborder, comme sil allait se répandre sur les bras du prêtre et dans le sanctuaire, et des anges venir avec des coupes dor pour le recueillir, comme pour le porter partout où il y a des hommes à sauver. Saint Philippe de Néri reçut des grâces de ce genre et se cachait pour célébrer, à cause des ravissements qui souvent le saisissaient à lautel.

 

 


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Comment nous unir au sacrifice eucharistique ?

 

On peut appliquer à ce sujet ce que saint Thomas[10] dit de lattention dans la prière vocale : « Elle peut porter, soit sur les mots, pour les bien prononcer, soit sur le sens des mots, soit sur la fin de la prière, cest-à-dire sur Dieu et la chose pour laquelle on prieCette dernière attention, que des simples sans culture peuvent avoir, est quelquefois si grande que lesprit est comme porté en Dieu et oublie tout le reste. »

De même pour bien assister à la messe, avec foi, confiance, vraie piété et amour, on peut la suivre de différentes manières. On peut être attentif aux prières liturgiques, généralement si belles et si pleines donction, délévation et de simplicité. On peut aussi se rappeler la Passion et la Mort du Sauveur, dont la messe est le mémorial, et se considérer comme étant au pied de la Croix avec Marie, Jean, les saintes femmes. On peut encore sappliquer à rendre à Dieu, en union avec Jésus, les quatre devoirs qui sont les fins du Sacrifice : adoration, réparation, demande et action de grâces[11]. Pourvu que lon prie, même en récitant pieusement son chapelet, on assiste fructueusement à la messe. On peut aussi avec grand profit, comme sainte Jeanne de Chantal et beaucoup de saints, y continuer son oraison, surtout si lon est porté à un amour pur et intense, un peu comme saint Jean à la Cène reposant sur le Cœur de Jésus.

Mais de quelque manière quon suive ainsi la Messe, Il Importe dinsister sur une chose importante. Il faut surtout nous unir profondément à l’oblation du Sauveur, prêtre principal : Avec lui, il faut loffrir à son Père, en nous rappelant que cotte oblation plait plus à Dieu que tous les péchés ne lui déplaisent. Il faut nous offrir aussi chaque jour plus profondément, offrir particulièrement les peines et contrariétés que nous avons déjà à porter et celles qui ce présenteront dans la journée.

Cest ainsi quà loffertoire le prêtre dit : « In spiritu humilitatis et in animo contrito suscipiamur a te, Domine : Cest avec un esprit humilié et un cœur contrit que nous vous demandons, Seigneur, de nous recevoir. »

Lauteur de lImitation, I. IV, ch. VIII, insiste à bon droit sur ce point : Le Seigneur y dit : « Comme je me suis offert volontairement à mon Père pour vos péchés, sur la croix, ainsi vous devez tous les jours, dans le sacrifice de la Messe, vous offrir à moi, comme une hostie pure et sainte, du plus profond de votre cœur… Cest vous que je veux et non pas vos donsSi vous demeurez en vous-mêmes, si vous ne vous abandonnez pas sans réserve à ma volonté, votre oblation nest pas entière, nous ne serons pas unis parfaitement. »

Au chapitre suivant, le fidèle répond : « Dans la simplicité de mon cœur, je moffre à vous, mon Dieu, pour vous servir à jamaisRecevez-moi avec loblation sainte de votre précieux CorpsJe vous offre aussi tout ce quil y a de bon en moi, si imparfait que ce soit, pour que vous la rendiez plus digne de vous. Je vous offre encore tous les pieux désirs des âmes fidèles, la prière pour ceux qui me sont chersla supplication pour ceux qui mont offensé ou attristé, pour ceux aussi que jai moi-même affligés, blessés, scandalisés, le sachant ou non, afin que vous nous pardonniez à tous nos offenses mutuelleset faites que nous soyons dignes de jouir ici-bas de vos dons et darriver à léternelle vie. »

La Messe ainsi comprise est une source féconde de sanctification, de grâces toujours nouvelles ; par elle peut se réaliser de mieux en mieux pour nous chaque jour la prière du Sauveur : « Je leur ai donné la lumière que vous mavez donnée, afin quils soient un comme nous sommes un, moi en eux et vous en moi, afin quils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que vous mavez envoyé et que vous les avez aimée comme vous mavez aimé » (Jean, XVII, 23).

La visite au Saint-Sacrement doit nous rappeler la messe du matin, et nous devons penser que dans le Tabernacle, sil ny a pas de sacrifice proprement dit, lequel cesse avec la messe, cependant Jésus réellement présent continue dadorer, de prier et de rendre grâces. Cest à toute heure du jour que nous devrions nous unir à cette oblation du Sauveur. Comme le dit la prière au Cœur Eucharistique : « Il est patient à nous attendre, pressé à nous exaucer ; il est le foyer de grâces toujours nouvelles, le refuge de la vie cachée, le maître des secrets de lunion divine. » Nous devons, près du Tabernacle, « nous taire pour lentendre, et nous quitter pour nous perdre en lui »[12].

 

 

Rome, Angelico.

 

 

Fr. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.



[1] Session XXII, cap. I et II.

[2] De même lhumanité du Sauveur reste numériquement la même, mais depuis sa résurrection elle est impassible, tandis quau­paravant elle était sujette à la douleur et à la mort.

[3] « Sacrificium externum est in genere signi, ut signum interioris sacrificii. »

[4] Homil. LX au peuple dAntioche.

[5] Livre de ses visions et instructions, chap. LXVII.

[6] Cf. S. Thomas, IIIa, q. 48, a. 2 : « Ille proprie satisfacit pro offensa, qui exhibet offenso id quod æque vel magis diligit, quam oderit offensam. »

[7] Cf. Concile de Trente, sess. XXII, c. II : « Hujus quippe obla­tione placatus Dominus, gratiam et donum pœnitentiæ concedens, crimina et peccata etiam ingentia dimittit. »

[8] Ibidem.

[9] Cf. S. Thomas, IIIa, q. 79, a. 5 et a. 7 ad 2um, où il n’y a pas dautre limite indiquée que celle de la mesure de notre dévotion « secundum quantitatem seu modum devotionis eorum » (id est : fidelium). Cajetan, In IIIam, q. 79, a. 5. Jean de Saint-Thomas, In IIIam, disp. 32, a. 3. Gonet, ClypeusDe Eucharistia, disp. II, a. 5. n° 100. Salmanticenses, de Eucharistia, disp. XIII, dub. VI. Nous nous séparons tout à fait de ce qua écrit à ce sujet le P. de la Taille, Esquisse du mystère de la foi, Paris, 1924, p. 22.

[10] IIa IIae, q. 82, a. 13.

[11] La première partie de la messe jusquà loffertoire nous ins­pire des sentiments de pénitence et de contrition (Confiteor, Kyrie eleison), dadoration et de reconnaissance (Gloria in excelsis), de supplication (Collecte), de foi vive (Epitre, Evangile, Credo), pour nous préparer à loffrande de la sainte Victime, suivie de la communion et de laction de grâces.

[12] Nous recommandons, pour lire pendant la visite au Saint­-Sacrement ou pour méditer comme sujet doraison, Les élévations sur la Prière au Cœur Eucharistique de Jésus, qui ont été publiées pour la première fois en 1926, Editions de la Vie Spirituelle.

 

 

 

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 Source

 SALVE REGINA

 

Illustrations 

Fra Angelico

L'institution de l'Eucharistie

vers 1441

Musée San Marco

Florence 

 
 
 

dimanche, 30 mars 2008

La messe traditionnelle

 
 
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Elévation du Sang du Seigneur
 
 
 
 
 abbé J.-M. Robinne
 
 
 
 
 

" Le sacrifice de la Messe est substantiellement le même que le sacrifice de la croix en ce que dans l’un et l’autre, Jésus Christ est à la fois le prêtre et la victime ; il en diffère cependant par la manière dont il est offert. Sur la croix Jésus Christ s’est offert en répandant son sang et en méritant pour nous ; tandis que sur les autels, Il se sacrifie sans effusion de sang et nous applique les fruits de sa Passion et de sa mort. "
St Pie X

Le saint Sacrifice de la messe est donc le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Il faut par conséquent que la liturgie exprime cela, il faut qu’en assistant à la messe les fidèles comprennent cela. C’est pour cette raison que la liturgie catholique joint paroles et gestes. Si le prêtre désigne les offrandes par des signes de croix, nous dit saint Thomas d’Aquin, c’est "pour évoquer la Passion du Christ qui a eu la croix pour terme " Somme IIIa pars, Q.85, art.5, ad 3.

La messe dite de saint Pie V en est une excellente expression pour différentes raisons : par son origine, par ce qu’elle dit, et par ce qu’elle montre.

   1.


      L’origine.

      Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la messe de saint Pie V n’est pas de saint Pie V. Ce pape, dans le prolongement du Concile de Trente, n’a fait que codifier ce qui existait déjà. On peut par exemple noter que l’ensemble du canon remonte au Vème siècle, et qu’il n’a pas été modifié depuis lors (seuls 26 mots ont été changés). Quant au reste de la messe, il existe pratiquement dans la forme sanctionnée par saint Pie V dès le pontificat de saint Grégoire (540-604). Il n’y eut après ce pape que quelques modifications qui ne constituèrent pas de véritables évolutions. On peut cependant noter que l’offertoire n’aura sa forme définitive qu’au XIVème siècle et que le rite vénérable de l’élévation ne se répandit de façon commune qu’après les attaques de Bérenger de Tours (998-1088) contre la présence réelle. Mais comme on peut le remarquer, il s’agit d’enrichissements et non pas d’évolutions.

      C’est ce qui fait dire au concile de Trente : " Comme il convient que les choses saintes soient administrées saintement, et comme ce sacrifice est la chose sainte par excellence, afin qu’il fut offert et reçu avec dignité et respect, l’Eglise catholique a institué depuis de longs siècles le saint canon. Il est tellement pur de toute erreur qu’il ne contient rien qui ne respire le parfum de la plus grande sainteté et piété et qui n’élève à Dieu l’âme de ceux qui offrent le sacrifice. En effet il est formé des paroles mêmes du Seigneur, des traditions des apôtres et des pieuses institutions des saints pontifes. " Concile de Trente (Session 22° ch.4)

      Enfin les rites qui avaient une existence de plus de 200 ans furent maintenus.

      La messe dite de saint Pie V est donc de par son origine l’expression de la piété et de la sainteté de l’Eglise. Par ses saints auteurs la messe traditionnelle est le fruit de la tradition apostolique et de la contemplation du mystère de l’eucharistie par les saints des premiers siècles.

      
   2.

      Ce qu’elle dit.

      La liturgie catholique nous dit la théologie de la messe, bien sûr il ne faut pas voir dans la messe un cours de théologie, mais la doctrine se trouve exprimée dans les différentes prières. On retrouve ainsi clairement exprimées les quatre fins du saint sacrifice : Adoration, action de grâce, propitiation, demande.

      Il est normal que les prières de la messe soient orientées vers l’adoration, parce que l’homme en tant que créature doit d’abord reconnaître sa totale dépendance vis-à-vis de Dieu, et que c’est là la fin première du sacrifice. Ensuite toutes les oraisons sont orientées vers les demandes de grâces ainsi que différentes prières de l’offertoire et du canon, la première étant que Dieu daigne accepter ce sacrifice. Les prières de l’offertoire montrent bien le caractère propitiatoire de l’offrande qui est faite ; Jésus Christ immolé pour nos fautes, afin que la Rédemption s’accomplisse. Le saint sacrifice de la messe en tant que renouvellement non sanglant du saint sacrifice de la croix est orienté vers l’aspect propitiatoire qui est explicité par l’offertoire traditionnel. De plus le prêtre parlant en son nom propre avant d’entrer dans la grande prière eucharistique et sacrificielle implore le pardon de ses fautes, et il insiste opportunément sur le caractère sacrificiel de l’offrande qu’il va faire in persona et virtute Christi. Dom Tirot dans l’histoire des prières d’offertoire dans la liturgie romaine du VII au XVI siècle à la page 135 déclare qu’avec la suppression des prières de l’offertoire dans le missel de 1970 nous subissons une perte inestimable.

      Et enfin l’action de grâce. Cette action de grâce se retrouve après la consécration et surtout après la communion. Il est naturel après avoir demandé et reçu de remercier.

      
   3.

      Ce qu’elle montre.


La liturgie traditionnelle exprime le mystère de l’eucharistie. Elle exprime le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Elle oriente notre âme vers Dieu et témoigne de notre adoration envers sa présence réelle. Tous les gestes toutes les cérémonies sont orientées vers ce but. L’orientation de l’autel, les gestes d’adoration, le mystère et le silence sacré qui entourent la consécration, la langue sacrée, la distinction entre l’action du prêtre et celle des fidèles, les prières de la consécration qui ne sont pas un récit mais une action (en effet à la consécration le ton change : ici le prêtre ne supplie pas, il agit in persona Christi.). Tous ces aspects manifestent bien le caractère sacré de la messe, qui comme le déclarait le pape Jean Paul II dans la lettre aux évêques pour le Jeudi Saint 1980 " n’est pas une ajoute de l’homme à l’action du Christ au cénacle…mais une sacralité institué par Lui (par le Christ) "

Le latin est la langue universelle : " La langue de l’Eglise doit non seulement être universelle mais immuable. Si en effet les vérités de l’Eglise catholique étaient confiées à certaines ou à plusieurs langues humaines changeantes dont aucune ne fait davantage autorité sur une autre, il résulterait une telle variété que le sens de ces vérités ne serait ni suffisamment clair ni suffisamment précis pour tout le monde. " Jean XXIII, Veterum Sapientiae. (Un exemple prouvera ceci : consubstantialem Patri est parfois traduit de même nature que le Père ce qui est une grave déficience par rapport à la précision du latin.)

L’orientation de l’autel est d’une grande importance, l’assemblée se tourne vers Celui auquel le sacrifice est destiné. En mettant l’autel face au peuple, l’assemblée se renferme sur elle-même. De plus l’orientation traditionnelle permet mieux de saisir l’aspect théocentrique de la messe. " Nous nous sommes tellement tournés vers l’assemblée que nous avons oublié de nous tourner ensemble, peuples et ministres, vers Dieu ! Or sans cette orientation essentielle, la célébration n’a plus aucun sens chrétien. " Cardinal Decourtray, 23 AVRIL 1992.

Le silence est quant à lui, l’expression la plus belle de notre adoration envers le Dieu qui descend sur nos autels. Il est de plus très expressif du mystère qui se réalise. Le silence accompagne le mystère : " La virginité de Marie, son enfantement et la mort du Seigneur sont trois mystères éclatants que Dieu opéra dans le silence. " St Ignace d’Antioche, Ephésiens, 19/1. Le silence au moment du canon est ce qui favorise le mieux une participation vraiment profonde, personnelle et intérieure au mystère de l’autel. " La proclamation du canon à haute voix appelle à grands cris des variétés à laquelle la multiplication des prières eucharistiques, si grande soit-elle, ne saurait suffire…La variété elle aussi devient à la longue ennuyeuse " Cardinal Ratzinger, La célébration de la Foi 1984


" La liturgie n’est pas un show, un spectacle qui ait besoin de metteurs en scène géniaux, ni d’acteur de talent. La liturgie ne vit pas de surprises sympathiques, de trouvailles captivantes mais de répétitions solennelles. Elle ne doit pas exprimer l’actualité et ce qu’elle a d’éphémère, mais le mystère du sacré "

Cardinal Ratzinger,
Entretien sur la foi

 

 

 

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Source 

 
Salve Regina 

 

Illustration 

 

 Schola Sainte Cécile - Liturgie & musique sacrée traditionnelles