vendredi, 08 janvier 2010
Un mauvais point pour Mgr Nourrichard
C'est un très mauvais point pour Mgr Nourrichard : le vaticaniste Andrea Tornielli s'est emparé de l'affaire et en a rendu compte dans son journal, Il Giornale. Il y montre qu'il a bien compris le réel problème, qui est liturgique, sous le titre "L'évêque sifflé pour avoir refusé la messe en latin". Extraits :
"La paroisse de Thiberville est considérée comme l'un des rares cas en France de parfaite application du motu proprio Summorum Pontificum, avec lequel en 2007 Benoît XVI a décidé de libéraliser la messe ancienne [...]. L'abbé Francis Michel, curé depuis 1986, célèbre personnellement depuis longtemps maintenant, chaque dimanche, une messe dans l'après-midi en rite ancien, ajoutées à trois autres célébrées selon le missel post-conciliaire. Toutes les messes, celles à l'ancienne manière comme celles de la nouvelle, sont célébrées avec le prêtre tourné vers l'orient [...].
La paroisse, qui compte 4.500 âmes, est très florissante : les églises - soit treize clochers dans les campagnes environnantes - sont toujours pleines, les enfants qui fréquentent le catéchisme sont 120, il y a une trentaine de premières communions tous les ans. On fait encore les processions, on célèbre les baptêmes individuels, il y a l'adoration du Très saint Sacrement et les rites funèbres sont toujours présidés par un prêtre [...]. Avec ces résultats en contradiction avec ce qui se passe dans les autres zones du diocèse, ont crû les mauvaises humeurs parmi le clergé pour les méthodes de l'abbé Michel."
Après le récit de la journée du 3 janvier, Andrea Tornielli écrit que la décision de Monseigneur Nourrichard devra être «attentivement évaluée avec ses collaborateurs». Ces mêmes collaborateurs, qui font pression sur le site internet du diocèse. L'évêque d'Evreux serait sage d'écouter ce qui se dit du côté du Vatican plutôt que du côté de sa curie diocésaine.
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lundi, 19 octobre 2009
C'est confirmé : l'offre de messes en latin créée la demande
En Italie, 63 % des catholiques pratiquants assisteraient régulièrement (40% toutes les semaines et 23% au moins une fois par mois) à la "messe traditionnelle" (c'est-à-dire la forme extraordinaire du rite romain, la messe Saint-Pie V) s’ils en avaient la possibilité matérielle.
A la suite de nombreuses sollicitations transalpines, « Paix Liturgique » et le très actif blog « Messa in latino » ont commandité un sondage à propos de la réception du Motu Proprio Summorum Pontificum en Italie et de l’attrait des Italiens pour la forme extraordinaire du rite romain.
Cette enquête a été réalisée du 24 au 27 septembre dernier auprès d'un échantillon de 1001 personnes de 15 ans et plus par l'institut Doxa. Institut leader en Italie sur le marché des sondages, membre fondateur du réseau Gallup, Doxa est reconnu pour la rigueur scientifique de son travail.
Paix Liturgique commente :
Ce sondage rappelle également avec force que les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain sont extrêmement nombreux et ne sauraient se réduire à ceux de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, par ailleurs très peu implantée en Italie où elle ne compte que 3 prieurés. Cette précision est importante car les évêques tentent régulièrement de limiter le débat liturgique à la FSSPX qui en réalité ne regroupe qu’une minorité – visible et dynamique – des fidèles restés attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Voilà encore une illustration de la justesse de vue du Saint Père qui a compris que de très nombreux fidèles de base, restés dans leurs paroisses pour diverses raisons ou ayant fait le choix de ne plus pratiquer, sont restés attachés à l’expression de la foi de leurs pères et ne demandent qu’à pouvoir en jouir à nouveau.
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E-DEO
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jeudi, 17 juillet 2008
François d’Assise un homme de paix formé par la liturgie
1. François annonce le pardon d’Assise
La considération de l’importance de la liturgie dans la vie de François
peut aider à mieux comprendre son rapport avec l’Église […].
La prière et la méditation de textes antérieurs à lui, expressions
de la vie et de la sainteté de l’Église tout au long des siècles,
On ne peut pas ne pas reconnaître qu’en un certain sens François d’Assise, comparé à d’autres saints, a connu un sort enviable: déclaré en 1992 par le Time magazine l’un des hommes les plus représentatifs du second millénaire, étudié par des centres de recherche universitaires laïques et religieux, il a fait l’objet d’innombrables publications scientifiques, d’ouvrages de divulgation, différents films lui ont été consacrés et il a été reconnu comme une référence idéale par des personnes de cultures et de religions diverses. S’ajoute à tout cela le choix qu’a fait Jean Paul II d’Assise, la ville de saint François, pour la journée historique du 27 octobre 1986 qui a donné naissance à ce que l’on appelle l’”esprit d’Assise”, à savoir un mouvement interreligieux en faveur de la paix; le Souverain Pontife y est encore retourné les 9 et 10 janvier 1993 et, malgré les nombreuses réserves et perplexités qui se sont exprimées au sujet de l’opportunité de cette visite, le 24 janvier 2002, c’est-à-dire après les attentats terroristes du 11 septembre 2001.
Un saint François très en honneur donc, et même si le jour de sa fête, le 4 octobre, n’est pas devenu en Italie une fête nationale, son nom est de toute façon synonyme de dialogue interculturel et interreligieux. Tout le monde sait toutefois que le succès glisse facilement dans l’outrance et le saint d’Assise n’échappe pas à la règle.
Les études franciscaines ont passé au crible les sources concernant son expérience chrétienne et d’innombrables chercheurs continuent à approfondir l’étude de ces sources pour y découvrir le visage de ce saint, au-delà de toute image hagiographique ou de toute manipulation idéologique. On a approfondi sa formation culturelle et spirituelle dans laquelle on a reconnu les strates suivantes: la culture du fils du marchand, une idéologie chevaleresque qui faisait de lui idéologiquement un chevalier, la culture courtoise qui subsista en lui après sa conversion, l’élément évangélique et même la réminiscence des vies anciennes des Pères du déserti. Après ces innombrables études, qui ont commencé avec Paul Sabatier, il semble qu’il n’y ait désormais plus rien à approfondir au sujet du frère François d’Assise, le fils du marchand Pietro di Bernardone. Mais en fait l’image la plus répandue de saint François non seulement semble outrée mais elle donne parfois l’impression d’avoir été amputée de quelque chose d’important, quand elle n’est pas victime de quelque opération idéologique au service d’autres fins. Certainement, l’histoire de François d’Assise, comme celle de tous les hommes, restera en un certain sens un mystère. Ce qui n’empêche pas de continuer à l’approfondir grâce aussi aux connaissances acquisesjusqu’ici. C’est dans cette perspective que l’on est en train de reconnaître le rôle important, pour ne pas dire fondamental, de la liturgie dans la vie du saint.
Au début du XIIIe siècle existaient fondamentalement à Rome quatre types de liturgie: celle de la Curie romaine, qui résidait au Palais du Latran, celle de la basilique Saint-Jean toute proche, celle de la basilique Saint-Pierre et celle dite de l’Urbe c’est-à-dire de la ville de Rome. Innocent III, dans son programme de réforme, qui trouva sa meilleure expression au moment du Concile Latran IV de 1215, n’exclut pas la liturgie. L’un des fruits les plus prestigieux de la réforme de la liturgie fut le bréviaire. En rapprochant, intégrant, adaptant à la vie de la Curie romaine, dont les déplacements étaient fréquents, des textes qui étaient précédemment distribués dans des livres différents, Innocent III fournit un instrument maniable à ceux qui étaient souvent en voyage. Ce bréviaire, en raison précisément de sa commodité, fut aussi rapidement adopté par certains diocèses dont celui d’Assise. De la sorte, François et la communauté des Frères Mineurs eurent accès à un livre liturgique qui se révéla rapidement conforme à leurs exigences de personnes itinérantes qui vivaient en “étrangers et pèlerins”ii. Ainsi les Frères Mineurs adoptèrent-ils pour eux-mêmes la prière liturgique et spécifiquement celle de la Curie romaine, c’est-à-dire celle du Souverain Pontife.
Il n’était pas indifférent d’adopter tel ou tel livre liturgique. C’est ce qu’avait déjà compris le pape Grégoire VII qui redoutait toute disparité liturgique parce que, dans certains cas, celle-ci conduisait à une disparité non seulement juridictionnelle mais aussi doctrinale, autrement dit à l’hérésie. Adopter, par exemple, le bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III signifiait accueillir toute une tradition précédente; la disposition dans cet ouvrage des différentes fêtes, le choix de certaines lectures, l’assemblage de passages de la Bible pour former des antiennes, versets et répons, la présence d’innombrables lectures issues des Pères de l’Église ou des anciens martyrologes étaient fondamentalement le résultat de la réflexion ecclésiale et de l’expérience monastique de tout le millénaire précédent. Ainsi donc, en adoptant le bréviaire, François et la communauté des Frères Mineurs s’insérèrent dans une histoire qui les avait précédés et qui avait été transmise au long des siècles. Cela ne signifie pas qu’ils se sentirent prisonniers de cette tradition ou qu’ils agirent comme s’ils l’étaient: en effet, comme le note une source, François ne manqua pas d’affirmer sa particularité en repoussant certains modèles précédents.
Toujours est-il que, comme le montrent les innombrables réminiscences liturgiques présentes dans les écrits de François, les Frères Mineurs s’insérèrent, en accueillant la prière du bréviaire, dans la tradition spirituelle et théologique qui avait mûri au long des siècles dans l’Église. Ces réminiscences, que l’on appelle en langage technique cas d’”intertextualité et d’interdiscursivité” – c’est-à-dire des citations à proprement parler ou des renvois conceptuels – sont souvent la transmission de textes patristiques intériorisés par le saint. Si cela peut surprendre, surtout au regard d’une certaine historiographie qui a présenté François d’Assise comme le Saint du seul Évangile – presque une sorte de précurseur de la réforme protestante –, le fait que souvent la Bible et donc l’Évangile soient présents dans ses écrits par l’intermédiaire de la liturgie est encore plus riche de conséquences. Cela, naturellement, conduit à revoir certaines descriptions de l’expérience spirituelle de François, dans lesquelles le saint est représenté comme un homme qui a eu un rapport immédiat, sans médiation, avec l’Écriture. Ce qui apparaît, au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église. Et la liturgie est elle-même une explication de l’Écriture, autrement dit une exégèse: en effet, le seul fait qu’une lecture ait été attribuée à une fête plutôt qu’à une autre indique déjà la clef de lecture et donc de compréhension d’un passage déterminé. Ainsi, le fait d’avoir placé dans le Commun de la Vierge Marie la lecture du chapitre 11 d’Isaïe, dans lequel il est question du rameau qui sort de la souche de Jessé, est déjà, en soi, une perspective mariale donnée à ce passage-là. Perspective notablement renforcée si, ensuite, on remplace le mot virga, c’est-à-dire rameau, par virgo, c’est-à-dire Vierge, comme cela a été fait dans le bréviaire qui a appartenu à saint François d’Assise: «La Vierge sortira de la souche de Jessé, et de sa racine une fleur montera, sur lui se reposera l’esprit de Yahvé»iii.
DU BREVIARIUM SANCTI FRANCISCI
On trouve un témoignage de l’importance de la liturgie dans la communauté des Frères Mineurs et dans l’histoire de François d’Assise non seulement dans la Règle des Frères Mineurs confirmée par le pape Honorius III en 1223 mais surtout dans un manuscrit conservé parmi les reliques du protomonastère Sainte-Claire, près de la basilique du même nom, à Assise. Comme en témoigne un ajout autographe de frère Léon, l’un des compagnons et témoins du Saint, ce manuscrit fut utilisé par saint François lui-même. «Le bienheureux François procura ce bréviaire à frère Ange et à frère Léon, ses compagnons, car, au moment où il était en bonne santé, il voulait toujours dire l’Office, comme le comporte la Règle; et quand il fut malade, au contraire, comme il ne pouvait pas le réciter, il voulait l’écouter; et cela, il continua à le faire tant qu’il vécut»iv.
Le manuscrit, appelé Breviarium sancti Francisci, se compose essentiellement d’un bréviaire, du psautier et de l’évangéliaire; la première partie, la plus consistante, est constituée du bréviaire de la Curie romaine réformé par Innocent III. L’ancienneté du texte, qui fait de lui un témoin privilégié de cette réforme et donc de l’histoire des livres liturgiques en général, est confirmée par la présence, surtout dans les solennités mariales ou de saints liés au ministère pontifical, comme Pierre, Paul et Grégoire le Grand, de lectures tirées des sermons du même Innocent III; ces lectures, après la mort de ce Pape en 1216, furent rendues facultatives par son successeur, Honorius III, et disparurent immédiatement du bréviairev. Le Bréviaire de saint François est le seul véritable bréviaire qui contienne l’intégralité de ces lectures. Ce manuscrit fut utilisé par saint François et il contribua certainement à former en lui une culture théologique, aussi rudimentaire fût-elle, qui lui permit d’exprimer sa spiritualité et sa pensée dans des écrits, dont trois sont encore en notre possession sous leur forme autographevi.
Il faut donc, étant donné le rôle qu’a joué la liturgie dans la formation culturelle et spirituelle de François, attribuer à celle-ci la place qui lui revient quand on cherche à comprendre le message du saint d’Assise. Ainsi, ce dont il faut tenir compte lorsque l’on veut approfondir un thème particulier de sa pensée, c’est surtout du contenu du manuscrit; le rôle que joue la Vierge Marie, par exemple, dans la pensée de saint François deviendra plus intelligible si on lit ses écrits en tenant compte de l’Office de la Bienheureuse Vierge et des quatre fêtes mariales contenues dans le bréviaire dont nous avons parlé, à savoir la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février; l’Annonciation, le 25 mars; l’Assomption et son octave, du 15 au 22 août; et la Naissance de Marie, le 8 septembre. Même si les deux premières fêtes, soit la Présentation au Temple et l’Annonciation, célèbrent deux mystères de la vie de Jésus-Christ, elles avaient déjà acquis depuis des siècles une forte connotation mariale. C’est si vrai que la première reçoit le nom dans le Breviarium de fête de la Purification de la Vierge Marievii.
Souvent la Bible et donc l’Évangile sont présents dans ses écrits
par l’intermédiaire de la liturgie […]. Ce qui apparaît,
au contraire, à une étude plus approfondie, c’est que saint François a connu l’Écriture
à travers la liturgie, c’est-à-dire par la médiation de l’Église
3
Note
1 J. Dalarun, Francesco: un passaggio. Donna e donne negli scritti e nelle leggende di Francesco d’Assisi, postface de G. Miccoli, Rome 1994.
2 P. Messa, Un testimone dell’evoluzione liturgica della fraternitas francescana primitiva: il Breviarium sancti Francisci, in Revirescunt Chartae, codices documenta textus: miscellanea in honorem fr. Caesaris Cenci, OFM, ed. A. Cacciotti-P. Sella, vol. I, Romae 2002, p. 5-141.
3 P. Messa, L’Officium mortuorum e l’Officium beate Marie virginis dans le Breviarium sancti Francisci, in Franciscana. Bollettino della Società internazionale di studi francescani, 4 (2002), p. 111-149.
4 Frère Léon d’Assise, Nota al Breviario di san Francesco, in Fonti Francescane, édité par Ernesto Caroli, Padoue 2004, p. 2696.
5 P. Messa, I sermoni di Innocenzo III nel Breviarium sancti Francisci, in Archivum Franciscanum Historicum, 95 (2002), p. 249-265.
6 P. Messa, Le fonti patristiche negli scritti di Francesco di Assisi, préface de G. Miccoli, Assise 1999.
7 P. Messa, Le feste mariane nel Breviarium sancti Francisci, in L’Immacolata Concezione. Il contributo dei francescani. Actes du Congrès de mariologie franciscaine du 150e anniversaire de la proclamation dogmatique (Sainte-Marie-des-Anges, Assise, 4-8 décembre 2003), Cité du Vatican 2005.
8 Francesco d’Assisi, Testamento, 29-33, in Fonti Francescane, op. cit., pp. 125-126.
Source
Illustrations
1 - 2 Images du retable Le pardon d’Assise du Prêtre Ilario da Viterbo, 1393,
conservée dans l’abside de la Portioncule, Basilique Sainte-Marie-des-Angesß, Assise
3. Zurbaran
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vendredi, 11 avril 2008
L’assistance à la Messe, source de sanctification
Par le P. Reginald Garrigou-Lagrange, O.P.
La sanctification de notre âme se trouve dans une union chaque jour plus intime avec Dieu, union de foi, de confiance et d’amour. Dès lors un des plus grands moyens de sanctification est l’acte le plus élevé de la vertu de religion et du culte chrétien : la participation au sacrifice de la Messe. Pour toute âme intérieure, la Messe doit être chaque matin comme la source éminente, d’où dérivent les grâces dont nous avons besoin dans le cours de la journée, source de lumière et de chaleur, semblable, dans l’ordre spirituel, à ce qu’est le lever du soleil dans l’ordre de la nature. Après la nuit et le sommeil, qui sont comme une image de la mort, le soleil réapparaissant chaque matin rend en quelque sorte la vie à tout ce qui se réveille à la surface de la terre. Si nous connaissions profondément le prix de la messe quotidienne, nous verrions qu’elle est comme un lever de soleil spirituel, pour renouveler, conserver et augmenter en nous la vie de la grâce, qui est la vie éternelle commencée. Mais trop souvent l’habitude d’assister à la messe, par manque d’esprit de foi, dégénère en routine, et nous ne recevons plus alors du saint sacrifice tous les fruits que nous devrions en recevoir.
Ce devrait être pourtant l’acte le plus grand de chacune de nos journées, et dans la vie d’un chrétien, surtout d’un religieux, tous les autres actes quotidiens ne devraient être que l’accompagnement de celui-là, notamment toutes les autres prières et les petits sacrifices que nous devons offrir au Seigneur dans la journée.
Rappelons ici :
1° ce qui fait la valeur du sacrifice de la messe,
2° quel est le rapport de ses effets avec nos dispositions intérieures,
3° comment nous devons nous unir au sacrifice eucharistique.
L’oblation toujours vivante au cœur du christ
L’excellence du sacrifice de la Messe vient, dit le Concile de Trente[1], de ce que c’est le même sacrifice en substance que celui de la Croix, parce que c’est le mêmeprêtre qui continue actuellement de s’offrir par ses ministres, c’est la même victime, réellement présente sur l’autel, qui est réellement offerte ; seule la manière de l’offrir diffère : tandis qu’il y eut sur la Croix une immolation sanglante, il y a à la Messe une immolation sacramentelle par la séparation, non pas physique, mais sacramentelle du corps et du sang du Sauveur, en vertu de la double consécration. Ainsi le sang de Jésus, sans être physiquement répandu, est sacramentellement répandu[2].
Cette immolation sacramentelle est un signe[3] de l’oblation intérieure de Jésus, à laquelle nous devons nous unir ; elle est aussi le mémorial de l’immolation sanglante du Calvaire. Bien qu’elle soit seulement sacramentelle, cette immolation du Verbe de Dieu fait chair est plus expressive que l’immolation sanglante de l’agneau pascal et de toutes les victimes de l’Ancien Testament. Un signe tire en effet sa valeur expressive de la grandeur de la chose signifiée ; le drapeau qui nous rappelle la patrie, fût-il d’une étoffe commune, a plus de prix à nos yeux que le fanion particulier d’une compagnie ou que l’insigne d’un officier. De même l’immolation sanglante des victimes de l’Ancien Testament, figure éloignée du sacrifice de la Croix, exprimait seulement les sentiments intérieurs des prêtres et des fidèles de l’ancienne Loi ; tandis que l’immolation sacramentelle du Sauveur sur nos autels exprime surtout l’oblation intérieure toujours vivante au cœur du « Christ qui ne cesse d’intercéder pour nous » (Hébr., VII, 25).
Or cette oblation, qui est comme l’âme du sacrifice de la Messe, a une valeur infinie, qu’elle puise en la personne divine du Verbe fait chair, prêtre principal et victime, dont l’immolation continue sous une forme sacramentelle.
Saint Jean Chrysostome écrit : « Lorsque vous voyez à l’autel le ministre sacré élevant vers le ciel la sainte hostie, n’allez pas croire que cet homme soit le prêtre véritable (principal), mais, élevant vos pensées au-dessus de ce qui frappe les sens, considérez la main de Jésus-Christ invisiblement étendue[4]. » Le prêtre que nous voyons de nos yeux de chair ne peut pénétrer toute la profondeur de ce mystère, mais au-dessus de lui il y a l’intelligence et la volonté de Jésus prêtre principal. Si le ministre n’est pas toujours ce qu’il devrait être, le prêtre principal est infiniment saint ; si le ministre, même lorsqu’il est très bon, peut être légèrement distrait ou occupé des cérémonies extérieures du sacrifice, sans en pénétrer le sens intime, il y a au-dessus de lui quelqu’un qui n’est pas distrait et qui offre à Dieu en pleine connaissance de cause une adoration réparatrice d’une valeur infinie, une supplication et une action de grâces d’une portée sans limites.
Cette oblation intérieure toujours vivante au cœur du Christ est donc bien pour ainsi dire l’âme du sacrifice de la Messe. Elle est la continuation de celle par laquelle Jésus s’offrit comme victime en entrant en ce monde et dans tout le cours de son existence terrestre, surtout sur la Croix. Quand le Sauveur était sur la terre, cette oblation était méritoire ; maintenant elle continue sans cette modalité du mérite. Elle continue sous forme d’adoration réparatrice et de supplication, pour nous appliquer les mérites passés de la Croix. Même lorsque la dernière Messe sera achevée à la fin du monde, et qu’il n’y aura plus de sacrifice proprement dit, mais sa consommation, l’oblation intérieure du Christ à son Père durera, non plus sous forme de réparation et de supplication, mais sous forme d’adoration et d’action de grâces. C’est ce que nous fait prévoir le Sanctus, Sanctus, Sanctus, qui donne quelque idée du culte des bienheureux dans l’éternité.
S’il nous était donné de voir immédiatement l’amour qui inspire cette oblation intérieure, qui dure sans cesse au cœur du Christ, « toujours vivant pour intercéder pour nous », quelle ne serait pas notre admiration !
La Bienheureuse Angèle de Foligno nous dit[5] : « J’ai non pas la pensée vague, mais la certitude absolue que, si une âme voyait et contemplait quelqu’une des splendeurs intimes du sacrement de l’autel, elle prendrait feu, car elle verrait l’amour divin. Il me semble que ceux qui offrent le sacrifice, ou qui y prennent part, devraient méditer profondément sur la vérité profonde du mystère trois fois saint, dans la contemplation duquel nous devrions demeurer immobiles et absorbés. »
Les effets du sacrifice de la messe et nos dispositions intérieures
L’oblation intérieure du Christ Jésus, qui est l’Ame du sacrifice eucharistique, a les mêmes fins et les mêmes effets que le sacrifice de la Croix, mais il importe de distinguer, parmi ces effets, ceux qui sont relatifs à Dieu et ceux qui nous concernent.
Les effets de la Messe immédiatement relatifs à Dieu, comme l’adoration réparatrice et l’action de grâces, se produisent toujours infailliblement et pleinement avec leur valeur infinie, même sans notre concours, même si la Messe était célébrée par un ministre indigne, pourvu qu’elle soit valide. De chaque Messe s’élève ainsi vers Dieu une adoration et une action de grâces d’une valeur sans limites, à raison de la dignité du Prêtre principal qui offre et du prix de la victime offerte. Cette oblation « plait plus à Dieu que tous les péchés réunis ne lui déplaisent » ; c’est là ce qui constitue l’essence même du mystère de la Rédemption par manière de satisfaction[6].
Quant aux effets de la Messe, qui sont relatifs à nous, ils ne se répandent que dans la mesure de nos dispositions intérieures.
C’est ainsi que la Messe, comme sacrifice propitiatoire, obtient ex opere operato aux pécheurs qui n’y résistent pas, la grâce actuelle qui les porte à se repentir et qui leur inspire d’aller se confesser de leurs fautes[7]. Les paroles Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, parce nobis Domine, produisent en ceux des pécheurs qui n’y mettent pas d’obstacle des sentiments de contrition, comme le sacrifice de la Croix les produisit en l’âme du bon larron. Il s’agit ici surtout des pécheurs qui assistent à la Messe ou de ceux pour qui elle est dite.
Le sacrifice de la Messe, comme satisfactoire, remet aussi infailliblement aux pécheurs repentants une partie au moins de la peine temporelle due au péché, et cela en proportion des dispositions plus ou moins parfaites avec lesquelles ils y assistent. C’est pour cela, dit le Concile de Trente, que le sacrifice eucharistique peut être offert aussi pour la délivrance des âmes du purgatoire[8].
Enfin comme sacrifice impétratoire ou de Supplication, la Messe nous obtient ex opere operato toutes les grâces dont nous avons besoin pour nous sanctifier. C’est la grande prière du Christ toujours vivant qui continue pour nous, accompagnée de la prière de l’Eglise, Epouse du Sauveur. L’effet de cette double prière est proportionné à notre ferveur, et celui qui s’y unit de son mieux est sûr d’obtenir pour lui et ceux qui lui sont chers, les grâces les plus abondantes.
Selon saint Thomas et beaucoup de théologiens, ces effets de la Messe relatifs à nous ne sont limités que par la mesure de notre ferveur[9]. La raison en est que l’influence d’une cause universelle n’est limitée que par la capacité des sujets qui la reçoivent. Ainsi le soleil éclaire et réchauffe sur une place aussi bien mille personnes qu’une seule. Or le sacrifice de la Messe, étant substantiellement le même que celui de la Croix, est, par manière de réparation et de prière, une cause universelle de grâces, de lumière, d’attrait et de force. Son influence sur nous n’est donc limitée que par les dispositions ou la ferveur de ceux qui la reçoivent. Ainsi une seule messe peut être aussi profitable pour un grand nombre de personnes que si elle était offerte pour une seule d’entre elles ; tout comme le sacrifice de la Croix ne fut pas moins profitable au bon larron que s’il avait été offert pour lui seul. Si le soleil réchauffe aussi bien sur une place mille personnes qu’une seule, l’influence de cette source de chaleur spirituelle qu’est la Messe n’est certes pas moindre dans son ordre. Plus on y assiste avec foi, confiance, religion et amour, plus grands sont les fruits qu’on en retire.
Tout cela nous montre pourquoi les saints, à la lumière des dons du Saint-Esprit, ont toujours tant apprécié le Sacrifice de la Messe. Certains, quoique infirmes et malades, voulaient se traîner à la messe, parce qu’elle vaut plus que tous les trésors. Sainte Jeanne d’Arc, se rendant à Chinon, importunait ses compagnons d’armes et obtenait d’eux, à force d’instances, d’assister chaque jour à la messe. Sainte Germaine Cousin était si fortement attirée vers l’Eglise quand elle entendait la cloche annoncer le saint sacrifice, qu’elle laissait ses brebis à la garde des anges et courait assister à la messe ;toujours son troupeau fut bien gardé. Le saint Curé d’Ars parlait du prix de la Messe avec une telle conviction, qu’il avait obtenu que tous ou presque tous ses paroissiens y assistassent. Nombre d’autres saints versaient des larmes d’amour ou tombaient en extase pendant le sacrifice eucharistique ; quelques-uns ont vu à la place du célébrant Notre-Seigneur lui-même, le Prêtre principal. D’autres, à l’élévation du calice, virent le précieux sang déborder, comme s’il allait se répandre sur les bras du prêtre et dans le sanctuaire, et des anges venir avec des coupes d’or pour le recueillir, comme pour le porter partout où il y a des hommes à sauver. Saint Philippe de Néri reçut des grâces de ce genre et se cachait pour célébrer, à cause des ravissements qui souvent le saisissaient à l’autel.
Comment nous unir au sacrifice eucharistique ?
On peut appliquer à ce sujet ce que saint Thomas[10] dit de l’attention dans la prière vocale : « Elle peut porter, soit sur les mots, pour les bien prononcer, soit sur le sens des mots, soit sur la fin de la prière, c’est-à-dire sur Dieu et la chose pour laquelle on prie… Cette dernière attention, que des simples sans culture peuvent avoir, est quelquefois si grande que l’esprit est comme porté en Dieu et oublie tout le reste. »
De même pour bien assister à la messe, avec foi, confiance, vraie piété et amour, on peut la suivre de différentes manières. On peut être attentif aux prières liturgiques, généralement si belles et si pleines d’onction, d’élévation et de simplicité. On peut aussi se rappeler la Passion et la Mort du Sauveur, dont la messe est le mémorial, et se considérer comme étant au pied de la Croix avec Marie, Jean, les saintes femmes. On peut encore s’appliquer à rendre à Dieu, en union avec Jésus, les quatre devoirs qui sont les fins du Sacrifice : adoration, réparation, demande et action de grâces[11]. Pourvu que l’on prie, même en récitant pieusement son chapelet, on assiste fructueusement à la messe. On peut aussi avec grand profit, comme sainte Jeanne de Chantal et beaucoup de saints, y continuer son oraison, surtout si l’on est porté à un amour pur et intense, un peu comme saint Jean à la Cène reposant sur le Cœur de Jésus.
Mais de quelque manière qu’on suive ainsi la Messe, Il Importe d’insister sur une chose importante. Il faut surtout nous unir profondément à l’oblation du Sauveur, prêtre principal : Avec lui, il faut l’offrir à son Père, en nous rappelant que cotte oblation plait plus à Dieu que tous les péchés ne lui déplaisent. Il faut nous offrir aussi chaque jour plus profondément, offrir particulièrement les peines et contrariétés que nous avons déjà à porter et celles qui ce présenteront dans la journée.
C’est ainsi qu’à l’offertoire le prêtre dit : « In spiritu humilitatis et in animo contrito suscipiamur a te, Domine : C’est avec un esprit humilié et un cœur contrit que nous vous demandons, Seigneur, de nous recevoir. »
L’auteur de l’Imitation, I. IV, ch. VIII, insiste à bon droit sur ce point : Le Seigneur y dit : « Comme je me suis offert volontairement à mon Père pour vos péchés, sur la croix…, ainsi vous devez tous les jours, dans le sacrifice de la Messe, vous offrir à moi, comme une hostie pure et sainte, du plus profond de votre cœur… C’est vous que je veux et non pas vos dons… Si vous demeurez en vous-mêmes, si vous ne vous abandonnez pas sans réserve à ma volonté, votre oblation n’est pas entière, nous ne serons pas unis parfaitement. »
Au chapitre suivant, le fidèle répond : « Dans la simplicité de mon cœur, je m’offre à vous, mon Dieu, pour vous servir à jamais… Recevez-moi avec l’oblation sainte de votre précieux Corps… Je vous offre aussi tout ce qu’il y a de bon en moi, si imparfait que ce soit, pour que vous la rendiez plus digne de vous. Je vous offre encore tous les pieux désirs des âmes fidèles, la prière pour ceux qui me sont chers… la supplication pour ceux qui m’ont offensé ou attristé, pour ceux aussi que j’ai moi-même affligés, blessés, scandalisés, le sachant ou non, afin que vous nous pardonniez à tous nos offenses mutuelles…et faites que nous soyons dignes de jouir ici-bas de vos dons et d’arriver à l’éternelle vie. »
La Messe ainsi comprise est une source féconde de sanctification, de grâces toujours nouvelles ; par elle peut se réaliser de mieux en mieux pour nous chaque jour la prière du Sauveur : « Je leur ai donné la lumière que vous m’avez donnée, afin qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et vous en moi, afin qu’ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que vous m’avez envoyé et que vous les avez aimée comme vous m’avez aimé » (Jean, XVII, 23).
La visite au Saint-Sacrement doit nous rappeler la messe du matin, et nous devons penser que dans le Tabernacle, s’il n’y a pas de sacrifice proprement dit, lequel cesse avec la messe, cependant Jésus réellement présent continue d’adorer, de prier et de rendre grâces. C’est à toute heure du jour que nous devrions nous unir à cette oblation du Sauveur. Comme le dit la prière au Cœur Eucharistique : « Il est patient à nous attendre, pressé à nous exaucer ; il est le foyer de grâces toujours nouvelles, le refuge de la vie cachée, le maître des secrets de l’union divine. » Nous devons, près du Tabernacle, « nous taire pour l’entendre, et nous quitter pour nous perdre en lui »[12].
Rome, Angelico.
Fr. Réginald Garrigou-Lagrange, O.P.
[1] Session XXII, cap. I et II.
[2] De même l’humanité du Sauveur reste numériquement la même, mais depuis sa résurrection elle est impassible, tandis qu’auparavant elle était sujette à la douleur et à la mort.
[3] « Sacrificium externum est in genere signi, ut signum interioris sacrificii. »
[4] Homil. LX au peuple d’Antioche.
[5] Livre de ses visions et instructions, chap. LXVII.
[6] Cf. S. Thomas, IIIa, q. 48, a. 2 : « Ille proprie satisfacit pro offensa, qui exhibet offenso id quod æque vel magis diligit, quam oderit offensam. »
[7] Cf. Concile de Trente, sess. XXII, c. II : « Hujus quippe oblatione placatus Dominus, gratiam et donum pœnitentiæ concedens, crimina et peccata etiam ingentia dimittit. »
[8] Ibidem.
[9] Cf. S. Thomas, IIIa, q. 79, a. 5 et a. 7 ad 2um, où il n’y a pas d’autre limite indiquée que celle de la mesure de notre dévotion « secundum quantitatem seu modum devotionis eorum » (id est : fidelium). Cajetan, In IIIam, q. 79, a. 5. Jean de Saint-Thomas, In IIIam, disp. 32, a. 3. Gonet, Clypeus… De Eucharistia, disp. II, a. 5. n° 100. Salmanticenses, de Eucharistia, disp. XIII, dub. VI. Nous nous séparons tout à fait de ce qu’a écrit à ce sujet le P. de la Taille, Esquisse du mystère de la foi, Paris, 1924, p. 22.
[10] IIa IIae, q. 82, a. 13.
[11] La première partie de la messe jusqu’à l’offertoire nous inspire des sentiments de pénitence et de contrition (Confiteor, Kyrie eleison), d’adoration et de reconnaissance (Gloria in excelsis), de supplication (Collecte), de foi vive (Epitre, Evangile, Credo), pour nous préparer à l’offrande de la sainte Victime, suivie de la communion et de l’action de grâces.
[12] Nous recommandons, pour lire pendant la visite au Saint-Sacrement ou pour méditer comme sujet d’oraison, Les élévations sur la Prière au Cœur Eucharistique de Jésus, qui ont été publiées pour la première fois en 1926, Editions de la Vie Spirituelle.
Source
Illustrations
Fra Angelico
L'institution de l'Eucharistie
vers 1441
Musée San Marco
Florence
17:42 Publié dans L’assistance à la Messe, source de sanctification | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : religion, messe, tradition, spiritualité, eglise, catholique | | Imprimer | | del.icio.us | Digg | Facebook | | |
dimanche, 30 mars 2008
La messe traditionnelle
" Le sacrifice de la Messe est substantiellement le même que le sacrifice de la croix en ce que dans l’un et l’autre, Jésus Christ est à la fois le prêtre et la victime ; il en diffère cependant par la manière dont il est offert. Sur la croix Jésus Christ s’est offert en répandant son sang et en méritant pour nous ; tandis que sur les autels, Il se sacrifie sans effusion de sang et nous applique les fruits de sa Passion et de sa mort. "
St Pie X
Le saint Sacrifice de la messe est donc le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Il faut par conséquent que la liturgie exprime cela, il faut qu’en assistant à la messe les fidèles comprennent cela. C’est pour cette raison que la liturgie catholique joint paroles et gestes. Si le prêtre désigne les offrandes par des signes de croix, nous dit saint Thomas d’Aquin, c’est "pour évoquer la Passion du Christ qui a eu la croix pour terme " Somme IIIa pars, Q.85, art.5, ad 3.
La messe dite de saint Pie V en est une excellente expression pour différentes raisons : par son origine, par ce qu’elle dit, et par ce qu’elle montre.
1.
L’origine.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la messe de saint Pie V n’est pas de saint Pie V. Ce pape, dans le prolongement du Concile de Trente, n’a fait que codifier ce qui existait déjà. On peut par exemple noter que l’ensemble du canon remonte au Vème siècle, et qu’il n’a pas été modifié depuis lors (seuls 26 mots ont été changés). Quant au reste de la messe, il existe pratiquement dans la forme sanctionnée par saint Pie V dès le pontificat de saint Grégoire (540-604). Il n’y eut après ce pape que quelques modifications qui ne constituèrent pas de véritables évolutions. On peut cependant noter que l’offertoire n’aura sa forme définitive qu’au XIVème siècle et que le rite vénérable de l’élévation ne se répandit de façon commune qu’après les attaques de Bérenger de Tours (998-1088) contre la présence réelle. Mais comme on peut le remarquer, il s’agit d’enrichissements et non pas d’évolutions.
C’est ce qui fait dire au concile de Trente : " Comme il convient que les choses saintes soient administrées saintement, et comme ce sacrifice est la chose sainte par excellence, afin qu’il fut offert et reçu avec dignité et respect, l’Eglise catholique a institué depuis de longs siècles le saint canon. Il est tellement pur de toute erreur qu’il ne contient rien qui ne respire le parfum de la plus grande sainteté et piété et qui n’élève à Dieu l’âme de ceux qui offrent le sacrifice. En effet il est formé des paroles mêmes du Seigneur, des traditions des apôtres et des pieuses institutions des saints pontifes. " Concile de Trente (Session 22° ch.4)
Enfin les rites qui avaient une existence de plus de 200 ans furent maintenus.
La messe dite de saint Pie V est donc de par son origine l’expression de la piété et de la sainteté de l’Eglise. Par ses saints auteurs la messe traditionnelle est le fruit de la tradition apostolique et de la contemplation du mystère de l’eucharistie par les saints des premiers siècles.
2.
Ce qu’elle dit.
La liturgie catholique nous dit la théologie de la messe, bien sûr il ne faut pas voir dans la messe un cours de théologie, mais la doctrine se trouve exprimée dans les différentes prières. On retrouve ainsi clairement exprimées les quatre fins du saint sacrifice : Adoration, action de grâce, propitiation, demande.
Il est normal que les prières de la messe soient orientées vers l’adoration, parce que l’homme en tant que créature doit d’abord reconnaître sa totale dépendance vis-à-vis de Dieu, et que c’est là la fin première du sacrifice. Ensuite toutes les oraisons sont orientées vers les demandes de grâces ainsi que différentes prières de l’offertoire et du canon, la première étant que Dieu daigne accepter ce sacrifice. Les prières de l’offertoire montrent bien le caractère propitiatoire de l’offrande qui est faite ; Jésus Christ immolé pour nos fautes, afin que la Rédemption s’accomplisse. Le saint sacrifice de la messe en tant que renouvellement non sanglant du saint sacrifice de la croix est orienté vers l’aspect propitiatoire qui est explicité par l’offertoire traditionnel. De plus le prêtre parlant en son nom propre avant d’entrer dans la grande prière eucharistique et sacrificielle implore le pardon de ses fautes, et il insiste opportunément sur le caractère sacrificiel de l’offrande qu’il va faire in persona et virtute Christi. Dom Tirot dans l’histoire des prières d’offertoire dans la liturgie romaine du VII au XVI siècle à la page 135 déclare qu’avec la suppression des prières de l’offertoire dans le missel de 1970 nous subissons une perte inestimable.
Et enfin l’action de grâce. Cette action de grâce se retrouve après la consécration et surtout après la communion. Il est naturel après avoir demandé et reçu de remercier.
3.
Ce qu’elle montre.
La liturgie traditionnelle exprime le mystère de l’eucharistie. Elle exprime le renouvellement non sanglant du sacrifice de la croix. Elle oriente notre âme vers Dieu et témoigne de notre adoration envers sa présence réelle. Tous les gestes toutes les cérémonies sont orientées vers ce but. L’orientation de l’autel, les gestes d’adoration, le mystère et le silence sacré qui entourent la consécration, la langue sacrée, la distinction entre l’action du prêtre et celle des fidèles, les prières de la consécration qui ne sont pas un récit mais une action (en effet à la consécration le ton change : ici le prêtre ne supplie pas, il agit in persona Christi.). Tous ces aspects manifestent bien le caractère sacré de la messe, qui comme le déclarait le pape Jean Paul II dans la lettre aux évêques pour le Jeudi Saint 1980 " n’est pas une ajoute de l’homme à l’action du Christ au cénacle…mais une sacralité institué par Lui (par le Christ) "
Le latin est la langue universelle : " La langue de l’Eglise doit non seulement être universelle mais immuable. Si en effet les vérités de l’Eglise catholique étaient confiées à certaines ou à plusieurs langues humaines changeantes dont aucune ne fait davantage autorité sur une autre, il résulterait une telle variété que le sens de ces vérités ne serait ni suffisamment clair ni suffisamment précis pour tout le monde. " Jean XXIII, Veterum Sapientiae. (Un exemple prouvera ceci : consubstantialem Patri est parfois traduit de même nature que le Père ce qui est une grave déficience par rapport à la précision du latin.)
L’orientation de l’autel est d’une grande importance, l’assemblée se tourne vers Celui auquel le sacrifice est destiné. En mettant l’autel face au peuple, l’assemblée se renferme sur elle-même. De plus l’orientation traditionnelle permet mieux de saisir l’aspect théocentrique de la messe. " Nous nous sommes tellement tournés vers l’assemblée que nous avons oublié de nous tourner ensemble, peuples et ministres, vers Dieu ! Or sans cette orientation essentielle, la célébration n’a plus aucun sens chrétien. " Cardinal Decourtray, 23 AVRIL 1992.
Le silence est quant à lui, l’expression la plus belle de notre adoration envers le Dieu qui descend sur nos autels. Il est de plus très expressif du mystère qui se réalise. Le silence accompagne le mystère : " La virginité de Marie, son enfantement et la mort du Seigneur sont trois mystères éclatants que Dieu opéra dans le silence. " St Ignace d’Antioche, Ephésiens, 19/1. Le silence au moment du canon est ce qui favorise le mieux une participation vraiment profonde, personnelle et intérieure au mystère de l’autel. " La proclamation du canon à haute voix appelle à grands cris des variétés à laquelle la multiplication des prières eucharistiques, si grande soit-elle, ne saurait suffire…La variété elle aussi devient à la longue ennuyeuse " Cardinal Ratzinger, La célébration de la Foi 1984
" La liturgie n’est pas un show, un spectacle qui ait besoin de metteurs en scène géniaux, ni d’acteur de talent. La liturgie ne vit pas de surprises sympathiques, de trouvailles captivantes mais de répétitions solennelles. Elle ne doit pas exprimer l’actualité et ce qu’elle a d’éphémère, mais le mystère du sacré "
Cardinal Ratzinger, Entretien sur la foi
Source
Illustration
Schola Sainte Cécile - Liturgie & musique sacrée traditionnelles
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