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dimanche, 18 octobre 2009

Affaire Mitterand: analyse d’une désinformation exemplaire

 

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Au-delà de l’événement médiatique, ce qu’il est convenu d’appeler “l’affaire Mitterrand” constitue un exemple particulièrement révélateur de la mise en œuvre de toutes les techniques de manipulation de l’opinion.
Le Salon Beige

 

Les traits tirés, les yeux cernés, l’air lugubre d’un représentant en marbre funéraire, tel est apparu le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, lors du journal télévisé de TF1 présenté par Laurence Ferrari le 8 octobre dernier. Quelques jours auparavant, il était le participant souriant aux côtés de Jack Lang de la Techno Parade, ayant quitté avec un brin de nostalgie la direction de la prestigieuse villa Médicis à Rome. La roche tarpéienne est si proche du Capitole !

Que s’est-il passé ? La révélation au grand public d’un ouvrage, en bonne part autobiographique, écrit par Frédéric Mitterrand et publié en 2005 : La mauvaise vie. S’en est suivie une opération de désinformation et de manipulation qui mérite de rester dans les annales. Quels sont les faits ?

Les faits

L’ouvrage de Frédéric Mitterrand qui avait bénéficié, à l’époque, d’une large couverture médiatique contient le passage suivant : « J’ai pris le pli de payer pour des garçons (…) Évidemment, j’ai lu ce qu’on a pu écrire sur le commerce des garçons d’ici. (…) Je sais ce qu’il y a de vrai. La misère ambiante, le maquereautage généralisé, les montagnes de dollars que ça rapporte quand les gosses n’en retirent que des miettes, la drogue qui fait des ravages, les maladies, les détails sordides de tout ce trafic. Mais cela ne m’empêche pas d’y retourner. Tous ces rituels de foire aux éphèbes, de marché aux esclaves m’excitent énormément (…) On pourrait juger qu’un tel spectacle, abominable d’un point de vue moral, est aussi d’une vulgarité repoussante. Mais il me plaît au-delà du raisonnable (…) La profusion de garçons très attrayants, et immédiatement disponibles, me met dans un état de désir que je n’ai plus besoin de réfréner ou d’occulter. L’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système ; celui qui fonctionne enfin car je sais qu’on ne me refusera pas ».
Le 23 juin 2009, Frédéric Mitterrand est nommé ministre de la Culture du gouvernement Fillon.
Le 27 septembre, Frédéric Mitterrand déclare « absolument épouvantable » l’arrestation en Suisse du cinéaste Roman Polanski « pour une histoire ancienne qui n’a pas de sens ». L’histoire en question étant le viol d’une fillette de 13 ans, trente ans auparavant…
Le lundi 5 octobre, sur France 2, invitée de l’émission Mots croisés pour un débat sur la récidive des criminels sexuels, Marine Le Pen lit des extraits de La mauvaise vie, dans lesquels le ministre décrit ses relations tarifées avec des garçons en Thaïlande (cf supra). L’affaire devient publique. Elle mérite analyse.

Analyse

A la nomination de Frédéric Mitterrand comme ministre de la Culture en juin 2009, aucun journaliste de la presse institutionnelle ne s’était ému du paragraphe incriminé de l’ouvrage du nouveau ministre. Présent, dès le 25 juin, rappelait cependant Les Nuits fauves de Frédéric Mitterrand et citait le fameux texte. C’est donc une information dont disposait toute la presse et, en premier lieu, le Président de la République et le Premier ministre. Dans un entretien au Nouvel Observateur, le 2 juillet, Nicolas Sarkozy qualifiait d’ailleurs de «courageux et talentueux», le livre de Frédéric Mitterrand et celui-ci a pu affirmer le 5 octobre : « Monsieur Fillon a dit qu’il avait commencé à m’apprécier après avoir lu mon livre ».
Est cependant alors mise en œuvre la méthode de manipulation la plus efficace du terrorisme intellectuel : le silence. Le désinformateur dissimule ce qui ne plaît pas. Mais l’affaire devenue publique, le silence devient impossible. Est alors utilisée immédiatement la minimisation qui permet au dialecticien de réduire l’impact des éléments à charge. Ainsi, lors de l’émission du 5 octobre et l’assaut de Marine Le Pen citant les aveux de Frédéric Mitterrand, l’animateur Yves Calvi, évoque des “phantasmes” (ce qui est moins grave que des faits), cela sans l’ombre d’une argumentation puis… passe à autre chose.
Cependant, c’est dans l’émission télévisée du 8 octobre que Frédéric Mitterrand, interrogé par Laurence Ferrari, se livre, avec talent, à un feu d’artifice utilisant quasiment toutes les méthodes de manipulation de l’opinion :
– l’unanimité : « Une vie qui ressemble à la mienne mais aussi à celle de beaucoup d’autres gens » dit-il. Le message est limpide : ce que je décris est banal, partagé par beaucoup de gens, il n’y a vraiment pas lieu de s’en offusquer. L’objectif est que les contradicteurs se sentent isolés car minoritaires.
– la récupération : « On ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments ». La sentence, qui se veut définitive, induit l’auditeur à penser que Frédéric Mitterrand est en butte à l’hostilité des pouvoirs établis comme le furent en leur temps Villon, Baudelaire, Musset, Gide… De même, en affirmant qu’ « il ne faudrait pas revenir à l’âge de pierre et confondre homosexualité et pédophilie », la récupération historique vise à disqualifier, au nom du progrès, tous ceux qui refusent les deux comportements ou créent un lien entre eux.
– la contre-vérité non vérifiable : « Vous reconnaissez quelqu’un qui est un boxeur de 40 ans » affirme Frédéric Mitterrand sous la pression de Laurence Ferrari qui veut connaître l’âge des partenaires tarifés du ministre. Certes, mais cette affirmation est-elle conciliable avec les termes de garçon (utilisé 3 fois) et de gosse (1 fois) employés dans le récit ? La journaliste prudente ? complice ? impressionnée ? incompétente ? ne pose pas la question. « J’ai eu des relations avec des garçons » avoue ensuite Frédéric Mitterrand. Qui parle de « garçons » pour désigner des hommes de 40 ans ? Personne ! De plus, si nous revenons au texte de La mauvaise vie, « éphèbe » d’après le Petit Robert désigne : « Un jeune garçon arrivé à l’âge de la puberté ». Seule une investigation sur place permettrait de connaître l’âge exact des partenaires du ministre : voilà certainement un bon moyen de pression du gouvernement thaïlandais sur la France.

Le tranfert d’émotion

– le transfert d’émotion : « Je suis ému. Je pense à mon honneur, à ma famille, à mes enfants, à ma mère». Il s’agit de faire pitié.

La question de Laurence Ferrari aurait pu être : «Pensiez-vous à votre honneur, à votre famille, à vos enfants et à votre mère dans les bordels de Thaïlande » ?

Le transfert d’émotion est une figure de dialectique particulièrement efficace, dont l’impact est renforcé par l’image.

– l’implication : « Que celui qui n’a pas commis ce genre d’erreurs me jette la première pierre… Quel est celui qui n’aurait pas commis ce genre d’erreur au moins une fois dans sa vie ? »

Si la référence évangélique –admirable figure de récupération historique assimilant le ministre à la femme adultère à qui le Christ pardonne ses péchés– incite au pardon, le pari est audacieux. Dans quel univers Frédéric Mitterrand vit-il pour croire que tout le monde a eu recours au moins une fois dans sa vie à des relations homosexuelles tarifées ? Cette figure de l’implication est réutilisée dans la suite de l’intervention :

« Il (Nicolas Sarkozy) m’a confirmé sa confiance, comme François Fillon ». Il s’agit de faire conforter son message par une personne qui fait autorité sur le téléspectateur, en l’occurrence le Président de la République et le Premier ministre.

– le grossissement : Frédéric Mitterrand dénonce « le torrent de mensonges et d’amalgames ». En regard de ce qui a été publié au lendemain de certains jeux de mots de Jean-Marie Le Pen, il s’agit de biens modestes ruisseaux. Ce qui devient important, ce ne sont plus les faits mais la prétendue campagne de déstabilisation.

Orchestration des soutiens

L’émission achevée, d’autres acteurs vont intervenir afin qu’une orchestration habile permette de faire croire que les soutiens au ministre se multiplient et que la droite fait bloc, nonobstant les explications un peu gênées de MM. Copé, Mariton ou Poisson qui redoutent l’impact électoral des déclarations ministérielles.
Christophe Barbier, de L’Express, dans la plus pure tradition de la novlangue chère à Orwell, crée le néologisme de “fachosphère” pour désigner les sites Internet non contrôlés par la grosse presse qui diffusent la vidéo du 5 octobre. Dénoncer les propos du ministre c’est se faire complice du fascisme, un des “mythes incapacitants” les plus efficaces de ces dernières décennies. Dans la même veine, le secrétaire général de l’UMP, le franc-maçon Xavier Bertrand, s’empressera de dire que tout cela lui rappelle « les heures les plus sombres de notre histoire ». Malheureusement pour eux, il se trouve que les propos du ministre sont susceptibles de poursuites pénales dans le cadre de la législation française, dont la dimension fascisante reste à démontrer.
Ainsi, l’article 225-12-1 du Code Pénal énonce :
« Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. »
De même l’article 225-12-3 : « Dans le cas où les délits prévus par les articles 225-12-1 et 225-12-2 sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables ».

Plein d’imagination, Frédéric Mitterrand conceptualise une nouvelle figure de dialectique : la victimisation. Le Quotidien de La Réunion ayant, le 8 octobre, reproduit le fac-similé d’une lettre dans laquelle le ministre, alors directeur de la Villa Médicis, apportait au printemps dernier un témoignage de moralité à deux hommes jugés pour viol collectif sur une fille de 16 ans, le neveu du président défunt déclare : « Si je m’appelais Tartempion, je ne subirais pas les mêmes indignités ». Osons ajouter qu’il ne serait peut-être pas ministre s’il s’appelait Tartempion. Cette figure de victimisation repose bien souvent aujourd’hui, avec une terrible efficacité, sur l’appartenance ethnique. Critiquer la politique étrangère de Bernard Kouchner ne peut être teinté que d’antisémitisme. De l’amoureux éconduit, « c’est parce que je suis noir que tu ne veux pas coucher avec moi », au voleur arrêté en flagrant délit « c’est parce que je suis arabe que vous m’arrêtez », la ficelle est grosse mais solide.

Les armes contre la désinformation

A la lumière de ces faits, on peut se demander si Internet et la blogosphère ne sont pas les armes fatales contre la désinformation et la dictature de la pensée unique. La question avait déjà été posée lors de l’échec du référendum du 29 mai 2005 sur la constitution européenne, la grande presse, très majoritairement favorable au Oui, s’interrogeant sur le rôle d’Internet, très actif dans la promotion du Non. Les vidéos choc : Sarkozy et son «casse-toi pauv’con», Hortefeux et « quand il y en a un ça va. C’est quand il y en a beaucoup que c’est un problème », ont été vues par des centaines de milliers voire des millions d’internautes. Internet permet de passer outre aux oukases du politiquement correct mais de façon anarchique et irresponsable. En effet, le meilleur, qui est la liberté de faire connaître des faits occultés par le pouvoir politique, côtoie le pire : la disparition de toute vie privée. Plus aucun d’entre nous n’est à l’abri du risque de retrouver ses propos sur Internet pour peu qu’ils aient été prononcés à portée d’un téléphone portable. L’épisode Hortefeux est symptomatique à cet égard : les propos sont certes grotesques mais la recherche systématique et irresponsable de tout ce qui peut susciter de l’audimat ou enflammer la blogosphère ne l’est pas moins.
Marine Le Pen a justement demandé comment on pouvait sévir contre les délinquants sexuels alors qu’au plus haut niveau de l’Etat des pratiques condamnables étaient reconnues comme acceptables sinon honorables. Le système, qui a fait de la licence sans frein un de ses mythes fondateurs, se défend.
Qui osera interroger Frédéric Mitterrand sur ce sujet lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée ? Le Figaro osera-t-il demander à ses lecteurs si Frédéric Mitterrand doit démissionner ?
Il n’est pas sans intérêt de noter que sous l’angle politique, dans l’interview déjà cité au Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy avait déclaré : « Quant à l’ouverture, Frédéric Mitterrand la caractérise magnifiquement ». Avis aux amateurs, ces considérations ne devant pas trop gêner Jack Lang…
Quel que soit l’avenir, chacun pourra relire, le discours de Nicolas Sarkozy le 29 avril 2007 au Palais omnisports de Paris-Bercy :« Je veux tourner la page de Mai 68 une bonne fois pour toutes. Mais il ne faut pas faire semblant… Je propose aux Français de renouer en politique avec la morale. »
Tout commentaire serait superflu…

Jean-Pierre Maugendre
A paraître dans le n°109 de La Renaissance catholique

14:39 Publié dans Réflexion | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : affaire mitterand, frédéric mitterand, tourisme sexuel, famille | |  Imprimer | |  del.icio.us | Digg! Digg |  Facebook | | | | Pin it! |