lundi, 26 mai 2008
Extraits de " la lettre à nos frères prêtres " par Monsieur l'abbé Grégoire Celier
Voici une excellente synthèse réalisée par
Monsieur l’abbé Grégoire Cellier
qui nous fait comprendre l’histoire et la nature de
la messe « Traditionnelle »
dont notre
Saint Père le Pape Benoît XVI
a rappelé la richesse dans son
motu proprio Summorum pontificum du 7 juillet 2007
Les Sacramentaires
Parmi les Sacramentaires qui nous sont parvenus, on distingue en particulier le Sacramentaire léonien (Ve siècle), le Sacramentaire gélasien (VIe siècle) et le Sacramentaire grégorien (VII-VIIIe siècles). Le pape Adrien Ier (772-795) envoya un exemplaire de ce dernier à Charlemagne, sur sa demande, comme modèle liturgique face à la prolifération des liturgies gallicanes. Ce manuscrit fut copié à de nombreuses reprises mais, comme il ne comportait pas certaines messes que l’on avait coutume de célébrer en Gaule, ces dernières furent ajoutées et firent bientôt corps avec la liturgie romaine primitive. Ce livre romain retouché devint le Sacramentaire officiel de l’empire carolingien et, chose curieuse, finit par revenir à Rome et par y supplanter le Sacramentaire grégorien.
Le Missel plénier
Vers le Xe siècle, par suite de la multiplication des messes, on commença donc à grouper en un seul livre tous les recueils se rapportant à la messe : ce furent les Missels pléniers qui, au cours des XIIIe et XIVe siècles, se multiplièrent. Parmi ceux-ci, il faut signaler le Missel de la Curie romaine qui, au XIIIe siècle, précisa le cérémonial (notamment pour tenir compte des séjours du pape hors de Rome) et accepta un grand nombre de messes pour les fêtes. Ce Missel fut adopté par les Franciscains (puis par les Augustins, les Servites, etc.), et répandu par eux dans toute la chrétienté latine.
« C’est à Milan en 1474, que fut imprimé pour la première fois l’Ordo missalis secundum consuettudinem Romane curie. Après cette édition princeps, il y en eut beaucoup d’autres » (Aimé-Georges Martimort, L’Église en prière, Desclée, 1961, p. 304). Mais ce Missel n’était pas le seul à avoir cours : de nombreux autres Missels existaient, avec une large variété d’usages et de fêtes. Par ailleurs, sous des influences diverses (mauvaises copies, dévotions locales pas toujours éclairées, mais aussi flou doctrinal, notamment dans la période préparatoire au protestantisme), des altérations plus ou moins graves se produisaient.
« Oh ! si vous aviez vu, je ne veux pas dire la laideur, mais la diversité des cérémonies de la messe, il y a quarante ans, elles vous auraient fait honte ; il me semble qu’il n’y avait rien de plus laid au monde, que les diverses manières dont on la célébrait : aucuns commençaient la messe par le Pater noster : d’autres prenaient la chasuble entre leurs mains et disaient l’Introibo, et puis ils mettaient sur eux cette chasuble. J’étais une fois à Saint-Germain-en-Laye, où je remarquai sept ou huit prêtres qui dirent tous le messe différemment : l’un faisait d’une façon, l’autre d’une autre : c’était une variété digne de larmes. Or sus, Dieu soit béni de ce qu’il plaît à sa divine bonté remédier peut à peu à ce grand désordre ! » La nécessité d’une réforme rétablissant intégrité doctrinale et unité liturgique se faisait ainsi cruellement sentir.
Nécessité d’une réforme
Le but de saint Pie V n’était pas de créer de toutes pièces une nouvelle liturgie, mais de ramener le Missel à son état traditionnel avec pour base le Missel de la Curie romaine, en tenant compte cependant des éventuels changements exigés par les circonstances. Comme le note dans ses souvenirs (Ma Vie, Fayard, 1998, p.133) celui qui était encore le cardinal Ratzinger, « Pie V s’était contenté de réviser le Missel romain en usage à l’époque, comme cela se faisait normalement dans une histoire qui évolue. […] Il s’agissait d’un processus continu de croissance et d’épurement, sans rupture. Pie V n’a jamais créé de Missel. Il n’a fait que réviser le Missel, phase d’une longue évolution ».
Il s’agissait donc de ramener à leur meilleur état les textes reçus, de préciser les règles de la célébration, enfin de doter l‘Église d’un Missel pratique, indiscutable, et conforme en tous points au bréviaire révisé qui venait lui aussi d’être promulgué (1568) à la suite du concile, dans le même esprit de continuité.
Retour à la tradition liturgique
Le Missel que promulgua saint Pie V, tout en conservant les éléments traditionnels et la distribution du Missel de la Curie romaine, supprima donc la plupart des innovations récentes et assura l’unité des rites dans la célébration de la messe. Les rubriques s’inspiraient de celles mises au propre et systématisées en 1502 par Jean Burchard, maître des cérémonies pontificales.
Comme le résume le père Irénée-Henri Dalmais : « En 1570, était [publié] le Missel, substantiellement conforme à celui en usage depuis le XIIIe siècle, et quelque peu modifié par Clément V au début du XIVe siècle. Les principales innovations de saint Pie V consistèrent à fixer les rubriques, rédigées au début du XVIe siècle par le cérémoniaire pontifical Jean Burchard, et à rendre obligatoire la lecture du prologue de l’Évangile de saint Jean à la fin de la messe » (Initiation à la liturgie, Desclée De Brouwer, 1958, p.188).
« Je voudrais faire une brève remarque, déclare-t-il, sur la querelle à propos de la liturgie dite tridentine. Il n’existe pas de liturgie tridentine et jusqu’en 1965 ce mot n’aurait rien dit à personne. Le concile de Trente n’a pas « fait » de liturgie. Et il n’y a pas non plus, au sens strict, de Missel de saint Pie V. Le Missel qui est paru en 1570 sur l’ordre de Pie V ne se différenciait qu’en peu de chose de la première édition imprimée du Missel romain parue juste cent ans auparavant. Dans la réforme de Pie V, il s’agissait au fond uniquement d’éliminer les proliférations du Moyen Âge tardif, ainsi que les fautes qui s’étaient introduites au moment de recopier et d’imprimer : ceci afin de prescrire pour toute l’Église le Missel de la ville de Rome qui n’avait pratiquement pas été atteint par ces événements » (Josef Ratzinger, L’Eucharistie – Pain nouveau pour un monde rompu, Fayard, 1981, p. 166-167).
Une norme universitaire
C’était le cas pour les anciens Ordres religieux qui avaient gardé leur liturgie propre : Cisterciens, Chartreux, Prémontrés, Dominicains, Carmes, etc. C’était aussi le cas pour certains diocèses comme Trèves, Cologne, Liège, Braga, Lyon, Milan et quelques chapelles à Tolède (rite mozarabe), etc. Mais seuls ces trois derniers lieux conservèrent leur liturgie propre, les autres renonçant spontanément au droit que la Bulle Quo primum leur reconnaissait.
Succès du Missel de 1570
Dans la suite, les papes promulguèrent des messes nouvelles correspondant aux grandes dévotions (Sacré-Cœur, Immaculée Conception, Assomption, etc.) et aux nouveaux saints. Quelques papes (par exemple, Urbain VIII ou saint Pie X) introduisirent des changements minimes dans quelques rubriques, soit pour harmoniser avec des changements intervenus par ailleurs, soit pour clarifier un point peu clair, mai ce ne furent jais que d’infimes retouches.
Pie XII révisa en 1950 et 1956 les rites de la Semaine sainte, que les malheurs des temps avaient obscurcis, réforme que l’évolution des règles du jeûne comme de l’heure de la célébration de la messe (messes du soir) rendait désormais possible. Il créa une commission de révision des rubriques du Missel, mais il mourut avant que celle-ci n’achève son travail.
Ce fut Jean XXIII qui, en 1960, à la suite de ce travail voulu par Pie XII, promulgua un « Code des rubriques » plus simple d’utilisation. Le Missel de 1962 se réfère aujourd’hui à cette réforme.
« Quand on se trouve en présence d’un texte si essentiel et d’une si haute antiquité, il paraît souhaitable de garder, aussi longtemps qu’il est possible, les formules mêmes que l’usage d’innombrables générations chrétiennes a sanctifiées. C’est là une considération d’un tel poids que même un réformateur aussi individualiste que Luther, à ses heures, pouvait l’être, l’a fort bien sentie et exprimée » (Louis Bouyer, « Que vont devenir les rites sacrés ? », La Vie spirituelle 521, novembre 1965, p. 539).
« Une règle de prière qui a inspiré pendant dix-neuf siècles la règle de vie doit-elle, pour des motifs aussi honorables qu’on voudra, se modeler à son tour sur une nouvelle façon de sentir et de vivre le christianisme ? » (Henry Bars, « Désacralisation de la liturgie ? », Nova et Vetera 1, janvier 1967, p. 33).
« Le caractère conservateur de la liturgie lui permet de préserver et de transmettre intactes des valeurs dont une époque peut avoir oublié l’importance mais que l’époque suivante est heureuse de retrouver intactes et préservées, pour en vivre de nouveau. Où serions-nous si le conservatisme liturgique n’avait pas résisté au goût du Moyen Âge finissant pour les dévotions sensibles, aux impératifs individualistes, raisonnables et moralisants du XVIIIe siècle, à la critique du XIXe siècle, aux philosophies subjectivistes de l’époque moderniste ? Grâce à la liturgie, tout nous a été gardé et transmis. Ah ! Ne nous exposons pas à encourir, dans soixante ans, le reproche d’avoir dilapidé l’héritage sacré de la communion catholique telle qu’elle se déploie dans le lent déroulement du temps. Gardons la conscience salubre de ne porter nous-mêmes qu’un moment d’affleurement à l’actualité d’une réalité qui nous dépasse à tous égards » (Yves Congar, « Autorité, initiative, coresponsabilité », La Maison Dieu 97, 1er trim. 1969, p. 55).
Ce texte de l’abbé Grégoire Celier est extrait de « la lettre à nos frères prêtres » de Mars 2008 - Numéro 37 .
Pour plus de renseignements et pour vous abonner à cette publication : LNFP - 2245 avenue des Platanes 31380 Gragnague - tél : 05 61 74 27 93. Abonnement : 8 € par an (4 € pour les prêtres).
- Célébrées depuis plus de 1000 ans de manière quasi identique, elle constitue un trésor de doctrine et de spiritualité qui a nourri des milliers de millions de saints, prêtres et fidèles.
- Tout cela confirme que notre attachement à cette forme liturgique antique et vénérable, pour certains incompréhensible, n’est ni stupide ni ridicule mais plein de bon sens ! Cela explique également pourquoi cette forme liturgique suscite de très nombreuses conversions et vocations sacerdotales et religieuses ainsi qu'un enthousiasme chez les petits de tous âges et les grands humbles de cœur.
Présidente du mouvement pour la Paix Liturgique et la Réconciliation dans l’Église
Ce texte de l’abbé Grégoire Celier est extrait de « la lettre à nos frères prêtres » de Mars 2008 - Numéro 37 .
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Source
Illustration
Le cardinal Ratzinger
célèbre la sainte messe selon le rite de saint Pie V
au séminaire de la fraternité sacerdotale Saint Pierre.
Wigratzbad. Bavière.
Avril 1990
18:52 Publié dans Le sens de la messe traditionnelle | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail, chômage, retraite, santé, économie, esclavage, lire | | Imprimer | | del.icio.us | Digg | Facebook | | |
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