dimanche, 11 mai 2008
Pentecôte, l’Esprit commun du Père et du Fils
Dans l’ancien testament, les Juges comme Samson (Jg 13, 5), les Prophètes comme Samuel (1 S 1, 11) ou les Rois comme David (1 S 16, 13), étaient investis de la force de l’Esprit pour une mission particulière et temporaire. Cette force divine les rendait capables d’actions exceptionnelles pour rappeler au peuple élu sa vocation à participer à la sainteté de Dieu.
Dans le cas de Jésus, « qui a été conçu du Saint-Esprit », il s’agit de la force de Dieu révélée en la personne même du Fils. Durant son ministère, Jésus manifeste la puissance de l’Esprit. Dans l’Esprit, il affronte le diable (Mt 4, 1) et guérit les possédés (12, 28). Dans l’Esprit, il apporte aux pauvres la bonne nouvelle du salut (Lc 4, 18). Dans l’Esprit, Jésus tressaille de joie et bénit le Père : « En ce moment même, Jésus tressaillit de joie par le Saint-Esprit, et il dit : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi » (Lc 10, 21).
Dans chacune de ces situations, Jésus ne vit pas de l’Esprit comme d’une force extérieure qui l’envahirait du dehors. Si c’était le cas, son mystère de Fils de Dieu ne serait plus l’objet de notre foi en sa divinité. Le Christ ne serait qu’un homme hors du commun, doté certes d’une grande envergure morale et philanthropique, mais il ne serait pas « de même nature que le Père ».
Une création nouvelle
« L’Esprit Saint viendra sur toi », annonce Gabriel à Marie (Lc 1, 35). Cette parole de l’Ange renvoie aux origines de la création, lorsque « l’esprit de Dieu planait sur les eaux » (Gn 1, 1).
Dans l’Ancien Testament, le fait qu’un juge, un prophète ou un roi soit doté d’une personnalité nouvelle en vue d’une mission particulière, se fonde sur le fait que de l’Esprit vient toute transformation. C’est lui qui change le chaos en cosmos. C’est lui qui du néant tire l’être. Que l’Esprit Saint vienne sur Marie indique qu’une création nouvelle est à l’œuvre, un nouveau commencement, celui d’une humanité sauvée, définitivement établie dans l’alliance divine.
Le « oui » de Marie est la réponse faite en notre nom à tous. Le salut n’est pas le résultat de nos forces. Par Marie, l’humanité accepte ce salut comme un don gratuit mais qui ne peut être reçu sans la foi ni l’obéissance. Le fait que Jésus soit « né de la Vierge Marie » exprime à la fois la gratuité de l’amour de Dieu et le consentement des hommes à cette gratuité. En Jésus, Dieu apporte à l’humanité un commencement nouveau qui ne provient pas de la somme des efforts humains mais d’un don d’en haut. Ce que le Fils a de plus intime avec le Père, il nous le donne en assumant notre humanité du sein virginal d’une femme. Il est essentiel que notre foi repose sur la puissance de l’Esprit agissant au milieu de nous comme il a agi avec puissance dans le sein de Marie.
Esprit de la promesse
Au moment de passer de ce monde à son Père, Jésus promet l’Esprit Saint à ses apôtres. Il l’appelle le Paraclet, mot que l’on traduit par « avocat », « soutien ».
Ici-bas, l’Esprit Saint rend témoignage à Jésus (cf. Jn 15, 26). Il est son « Défenseur » et actualise sa présence. Durant sa mission sur terre, les paroles et les miracles de Jésus ne se distinguent guère de la mission de l’Esprit Saint. Aussi, pour que ce dernier soit répandu et reconnu par les croyants, il faut que Jésus s’en aille : « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous » (Jn 16, 7). Cette remarque de Jésus ne signifie pas qu’il existe une concurrence entre lui et l’Esprit. Simplement, Jésus laisse entendre qu’après la Pentecôte, la communauté des croyants reconnaîtra la mission particulière de l’Esprit dans l’histoire du salut.
Si le don de l’Esprit Saint est manifesté à la Pentecôte, cinquante jours après Pâques, il a déjà été donné sur la Croix : « Jésus remit l’esprit » (Jn 19, 30). Lorsque meurt un homme, si célèbre qu’il ait été, la puissance de son esprit s’arrête avec lui. Ses œuvres font désormais partie du passé. De nouvelles générations en hériteront ou les rejetteront. En tout cas, cet homme ne peut plus rien sur elles. Jésus, en remettant l’esprit, en fait le don à l’Église et la fonde. En elle, l’Esprit agit et est présent dans les sacrements qu’elle a mission de donner au nom du Fils. « L’Esprit Saint prépare l’Église à rencontrer son Seigneur ; il rappelle et manifeste le Christ à la foi de l’assemblée ; il rend présent et actualise le mystère du Christ par sa puissance transformante ; enfin, l’Esprit de communion unit l’Église à la vie et à la mission du Christ » (CEC 1092).
Tel est l’accomplissement de la promesse de Jésus à propos de la venue de l’Esprit Saint : « Il vous enseignera tout » (Jn 16, 13). Peut-être aurions-nous préféré entendre : « Vous le sentirez ». Mais rien de cela. L’Esprit offre mieux que des sensations fortes à ses disciples : il révèle le sens des gestes et des paroles de Jésus dont il est inséparable. Il leur donne d’affronter l’esprit du monde et d’être témoins de l’Évangile.
Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que l’Esprit Saint donne au disciple de comprendre la Parole de Dieu (§ 111). Il le dispose à l’accueillir dans la foi (§§ 91, 93, 108) et à grandir en elle (§§ 94, 158).
Par le baptême, les disciples de toutes les générations reçoivent l’Esprit de Jésus et demeurent unis dans la foi autour de lui pour évangéliser en son Nom.
« L’Esprit de Dieu habite en vous » (1 Co 3, 16)
Le baptisé n’est pas essentiellement un être d’activité, mais d’intériorité. Il est temple avant d’être porte-parole. La mission est donc une intériorisation progressive, une découverte grandissante de la présence de l’Esprit en nous. Le Veni Sancte Spiritus chanté le jour de la Pentecôte nomme le Saint-Esprit « Hôte très doux de notre âme ». C’est dire qu’il est présent au plus intime de notre être, ce que l’Écriture appelle le « cœur ». C’est là qu’il agit.
Voilà pourquoi parler de l’Esprit Saint dans la vie de Jésus engage à un apprentissage de la prière. Ce point est d’autant plus important que celui qui a mission de transmettre la foi est souvent tenté de négliger l’importance de se poser lui-même devant Dieu. Or, il lui est indispensable de savoir tout laisser un instant pour se mettre en sa présence afin d’être éclairé par sa lumière. Dans le domaine de la transmission de la foi, seul l’Esprit Saint peut éclairer le disciple et susciter les fruits inattendus.
Père Ludovic Lécuru
Source
Ce texte est extrait du livre Le Credo, que le Père Ludovic Lécuru a publié aux éditions de l’Emmanuel : pp. 63-69.
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